Aimant beaucoup la science-fiction, il n’est pas surprenant que je sois intéressé par la science (tout court). Cet intérêt pour les questions scientifiques est d’ailleurs probablement à l’origine de ma passion pour la SF. Je lis cependant assez peu d’ouvrage sur ce genre de sujet, même s’il arrive qu’il s’en glisse un dans ma pile de lecture. Ce fut le cas du Grand roman de la physique quantique, écrit par Manjit Kumar.L’ouvrage de Manjit Kumar est au croisement de deux domaines : la physique quantique et l’histoire. En effet, il ne s’agit pas ici simplement d’un ouvrage de vulgarisation technique, contre l’intéressant Cantique des quantiques de Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod dont je parlerai peut-être un jour. L’auteur va nous raconter l’histoire des découvertes et des personnages qui les ont faites.
Le fond qu’utilise Kumar comme sorte de ligne rouge est la divergence d’interprétation entre Niels Bohr et Albert Einstein à propos de la mécanique quantique. L’ouvrage s’ouvre sur le congrès Solvay d’octobre 1927 où vont se retrouver les plus grands noms de la physique et de la chimie. Puis l’on revient en arrière pour comprendre comment on en arrive à un tel événement.
Depuis l’ère de Newton, la physique et la chimie évoluaient petit à petit sans que rien ne remette vraiment en cause les grands principes découverts au fur et à mesure. Mais à la fin du 19e siècle, les choses vont commencer à déraper alors que l’on se penche sur l’infiniment petit. De découverte en découverte, l’auteur montre le cheminement qui d’un chercheur à l’autre va amener à la formation de la théorie quantique qui va mettre par terre la vision de la réalité jusque là unanimement partagée.
Si certains éléments techniques ne sont pas toujours très faciles à appréhender, le monde quantique n’a pas pour rien cette réputation de difficulté, Kumar parvient quand même à présenter de façon assez claire les grands principes que vont proposer et tester les quelques dizaines de théoriciens et expérimentateurs qui peuplent l’ouvrage. La présence de quelques schémas explicatifs est évidemment la bienvenue.
L’ouvrage n’est pas seulement un livre de vulgarisation mais aussi un récit historique. Centré sur Niels Bohr et Albert Einstein dont la vie est bien détaillée (la relation du père de la relativité avec sa première femme a de quoi faire sacrément grimacer), le récit met en scène plusieurs dizaines de personnages dont les relations forment une ample trame. J’ai trouvé un peu frappant de voir à quel point ces théoriciens et expérimentateurs qui ont révolutionné la physique et la chimie ont pu être proches sur le plan professionnel (et parfois personnel). Certains laboratoires ont littéralement vu se succéder les futurs prix Nobel.
Au-delà de ces deux dimensions, Le grand roman de la physique quantique est intéressant par les interrogations et les doutes qu’il met en scène chez les protagonistes, et qu’il suscite chez le lecteur. Au début du 20e siècle, la science s’engage dans une nouvelle série de découvertes enthousiasmantes avec la compréhension de la structure et du fonctionnement de l’atome. Un demi-siècle plus tard, le milieu est déchiré par l’interprétation à donner des découvertes qui ont donné naissance à la physique quantique. Car si cette dernière permet de donner une explication à certaines expériences, elle pose tout autant de questions qu’elle en résout. Avec elle, le hasard vient s’insinuer dans une mécanique auparavant bien réglée et même la causalité se retrouve parfois en doute.
Si le titre français ne correspond pas vraiment au titre original, simplement Quantum, l’usage du terme « grand roman » n’est pas mauvaise en soi. Finalement, ce livre parle de personnages, nombreux, avec leur personnalité et leurs goûts. Des relations entre ces personnages et la façon dont elles évoluent, avec une grande cassure au centre du récit. Et pourtant, tout ça reste relève bien de la science et de l’histoire de la science. Bref, une bonne lecture pour ceux qui s’intéressent un peu à ce sujet.
Le grand roman de la physique quantique (Quantum)
de Manjit Kumar
traduit par Bernard Sigaud
éditions Flammarion, collection Libres Champs
505 pages, plus chronologie, glossaire, notes, bibliographie et index (poche)