Les ouvrages historiques peuvent être très généraux ou au contraire aborder des points assez précis. C’est par exemple le cas du Les cent derniers jours d’Hitler écrit par Jean Lopez. Le titre a lui tout seul semble assez bien résumer le contenu. Alors qu’y a-t-il à raconter sur les trois derniers mois de la vie d’un des pires dictateurs de l’histoire ?Dès l’introduction, l’auteur précise la forme qu’il entend donner à son ouvrage. S’il détaille presque jour par jour les dernières semaines de l’abominable moustachu, il entend aussi faire le portrait de l’Allemagne pendant la fin du conflit. Il répond aussi à une question que l’on peut se poser au vu de l’intitulé du titre : quel intérêt d’en parler ?
Lopez rappelle dans son introduction que les derniers mois de la guerre sont, et de loin, les plus meurtriers pour l’Allemagne, alors qu’il n’y a plus le moindre doute rationnel dans le fait que le conflit est irrémédiablement perdu. Il n’est donc pas inintéressant de se pencher sur l’homme dont la seule volonté empêche la cessation des hostilités.
La chronique presque jour par jour montre le délabrement physique du personnage, qui semble presque un reflet de la situation de son pays. Pourtant, malgré un corps qui semble le trahir et un moral parfois en pleine chute, le dictateur semble toujours capable d’imposer sa volonté à tous. Cette descente au enfer est ponctuée par l’auteur d’indication sur le moment où Hitler sort pour la dernière fois de Berlin, la dernière fois qu’il est filmé, sa dernière sortie du bunker, sa dernière rencontre avec ses différents proches, etc. comme un compte à rebours qui s’égrène avant la fin inéluctable.
Au-delà d’Hitler, Lopez fait aussi le portrait d’une Allemagne en plein calvaire. Il rappelle chaque évolution de la situation militaire, le front qui s’effondre régulièrement avant de se rétablir encore plus précairement qu’avant, les bombardements aériens qui se poursuivent inlassablement, les civils qui fuient par millions devant l’avancée des troupes adverses. Mais il fait aussi la litanie des crimes qui sont perpétrés jusqu’au dernier moment. Les marches de la mort, les camps de concentrations et d’extermination qui essaient d’avancer leur « tâche » au maximum avant de devoir arrêter, les exécutions sommaires pratiquées un peu partout par des tribunaux ambulants en pleine folie meurtrière, l’élimination des opposants gardés en vie pendant des années… Le régime semble pris d’une boulimie d’horreur.
Entre chaque chapitre, un par mois, l’auteur intercale quelques focus où il développe des sujets périphériques : la mise en parallèle entre 1918 et 1945, les crimes de guerre soviétiques, les marches de la mort, les derniers bluffs du régime, etc. Des sujets traités en quelques pages et qui permettent de creuser un peu quelques éléments intéressants.
En conclusion, Lopez fait un résumé des éléments qui amèneront les allemands d’après-guerre à rejeter non seulement le régime nazi mais aussi à se transformer en peuple pacifiste et anti-militariste. En tentant pendant un temps de se faire passer pour une victime d’un régime auquel en réalité bien peu se seront réellement opposé. Avant que la réalité ne les rattrape et que d’autres générations leur demandent des comptes.
Comme toujours avec Lopez, c’est bien écrit et ça se lit à un bon débit. Et même quand on connait assez bien ce conflit, ça ne fait pas de mal de se rappeler à quel point ce fut une orgie de violence jusqu’à la fin.
Les cent derniers jours d’Hitler
de Jean Lopez
éditions Perrin, collection Tempus
226 pages, plus notes et bibliographie (poche)