Le règne de Louis XIV est une des époques qui m’intéressent un peu. Ayant eu l’occasion de mettre la main sur un ouvrage ayant bonne presse et consacré à ses conflits, je n’ai pas trop hésité. Et j’ai même fini par lire Les guerres de Louis XIV de John A. Lynn.
L’auteur démarre par un prologue où il résume les conflits des cent cinquante années précédent le règne personnel de Louis XIV, ce dernier débutant en 1661 à la mort de Mazarin. On constate ainsi que le royaume a déjà passé un siècle et demi à guerroyer à l’extérieur et à l’intérieur. Lynn propose aussi un petit état de la stratégie élaborée par Mazarin ainsi que la situation géographique du pays, élément de première importance dans les conflits.
On s’intéresse ensuite à la stratégie telle que conçu par le souverain, sa façon de gérer les affaires, les gens sur lesquels il va s’appuyer ainsi que quelques aspects techniques comme… le financement de la guerre. On y voit aussi l’illusion un temps entretenu qu’il était possible de mener des conflits courts et facilement conclus. La suite des événements va prouver à quelle point cette idée est fausse. L’auteur consacre ensuite deux chapitres à présenter l’état et les évolutions de l’armée et de la marine. Dans le premier cas, on voit des changements avec la constitution d’une armée permanente conséquente et la nécessité de pouvoir la financer. Dans le second cas, on constate que la marine va passer par des hauts et des bas en termes de moyens et de capacités.
Lynn propose ensuite une série de chapitres présentant les différents conflits dans leur ordre chronologique, en s’attachant à montrer un peu ce qui les différencient dans leurs causes et leur déroulement. Ainsi que leurs fortunes diverses. Si le règne commence plutôt bien avec la guerre de Dévolution, rapide et apportant quelques gains territoriaux, le conflit suivant, la guerre de Hollande, se conclue aussi à l’avantage du royaume mais dure déjà sensiblement plus longtemps. Le souverain se retrouve alors engagé dans l’engrenage des conflits à répétition. Lynn montre comment les gains territoriaux, morcelés, de cette guerre poussent Louis XIV a adopté une politique visant à annexer des terrains supplémentaires pour assurer la continuité territoriale de son royaume. Si la brève guerre des Réunions tourne encore à son avantage et l’incite à poursuivre cette politique, cela finit par conduire à la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Un conflit qui va voir le pays affronter la quasi-totalité de ses voisins en même temps et durer neuf longues années. Si le souverain sort encore plutôt vainqueur, le prix a payer fut élevé et le pays a bien besoin d’une période de pays… qui ne durera que quatre ans avant que l’affaire de la succession d’Espagne ne remette le feu aux poudres. Le Roi-Soleil se retrouve alors engagé dans un conflit qui s’éternise pendant treize ans, ravage à nouveau une partie de l’Europe occidentale et se termine de façon un peu ambigüe.
Au cours de ces différents conflits, l’auteur présente les changements d’un conflit à l’autre, la participation (ou non) du souverain aux opérations, les différents acteurs qui y participent des deux côtés et qui changent d’un conflit à l’autre. Il montre aussi qu’à côté de quelques batailles un peu connues, comme Blenheim ou Denain, la majorité des opérations constituaient en des sièges, dont le déroulement finissait par adopter un tour presque mécanique, notamment sous l’impulsion de Vauban. On voit aussi comment ce dernier a organisé le pré carré de Louis XIV : une série de villes fortifiées devant servir de ligne de défense au royaume. La guerre était autant une affaire de logistique que de combat, Lynn parle évidemment du sujet et c’est d’autant plus utile que l’armée du Roi-Soleil parvient à s’établir un léger avantage à ce niveau, avec l’organisation de dépôts qui permettent de partir en campagne plus tôt que les autres armées. On voit aussi que certains conflits se déclenchent un peu contre la volonté d’une partie des participants. Ainsi, Louis XIV semble produire certains efforts pour éviter un conflit sur la succession d’Espagne… avant de se résigner et d’y aller franchement. Les sorties de conflits sont aussi généralement assez longues et peuvent demander plusieurs mois, voire années de négociations.
En conclusion, l’auteur dresse un petit bilan et se permet une comparaison avec différentes périodes précédentes et successives de l’histoire de France, étalées entre 1495 et 1815, montrant ainsi que le règne de Louis XIV n’a rien d’une anomalie en terme de densité de conflits. Pendant ces trois siècles, les rois de France ont beaucoup guerroyer, tout comme le fera aussi la Révolution et l’Empire (il n’y a guère que les règnes de Louis XV et XVI a offrir un relatif calme, « seulement » 31 années de guerre sur 73).
Je ne regrette pas cette lecture. Non seulement j’ai eu une bonne présentation des différents conflits qui ont émaillé le règne du Roi-Soleil, mais Lynn a su aussi présenter ce qui faisait un peu les spécificités de ces campagnes : armée permanente, forte hausse des effectifs sur les champs de bataille (certaines batailles de la guerre de Succession d’Espagne aligneront jusqu’à deux cent mille hommes sur le terrain), organisation logistique, maillage de citadelles… Tout ça de façon très abordable et avec un style qui se lit tranquillement. Maintenant, je commence à zieuter sur un ouvrage spécifique au dernier de ces conflits : la guerre de Succession d’Espagne de Clément Oury.
Les guerres de Louis XIV (The Wars of Louis XIV, 1667-1714)
de John A. Lynn
traduit par Bruno Demangeot
éditions Perrin collection Tempus
484 pages, plus notes, chronologie, glossaire, bibliographie, cartes et index (poche)