Bien qu’étant l’un des écrivains anglophones de SF les plus traduits en français ces vingt-cinq dernières années, Stephen Baxter a de nombreux ouvrages qui restent inédits dans notre langue. J’ai ainsi déjà parlé de sa tétralogie Time’s Tapestry ou bien du diptyque Proxima/Ultima. Cette fois, il va être question de Stone Spring, premier volume de la trilogie Northland.
A l’issue de la dernière glaciation, avant que le niveau des océans n’ai fini de remonter, la Grande-Bretagne était toujours attachée au continent par une langue de terre à la place de l’actuelle Manche. C’est aux gens vivants dans cette région, que l’auteur baptise Northland, que l’on va s’intéresser.
Si l’on est bien loin des espaces infinis (ou presque) du cycle des Xeelees ou du vertige temporel et spatial des Univers multiples, on reste cependant bien dans un récit de Baxter. On retrouve effectivement pas mal d’éléments assez récurrents chez l’auteur. Par exemple, l’idée d’évolution est là, couplée à celle d’innovation. Ainsi, Baxter propose une certaine diversité de communautés humaines, avec leurs coutumes et leurs rituels, leurs nombreuses langues, leur mode de vie (patriarcat, matriarcat, etc.), les circuits d’échange commerciaux… Le récit couvrant une bonne trentaine d’années, on verra comment ces communautés interagissent et évoluent. L’apparition d’idées comme la guerre, l’esclavage ou le développement de forme de monnaie, permettant la pérénité des transactions commerciales.
On est aussi chez Baxter au niveau du rapport à l’histoire. On voit comment certains personnages s’intéressent non seulement au passé de leurs communautés, ainsi qu’à celui des autres, mais aussi à l’avenir. Jusqu’à essayer d’anticiper sur plusieurs générations. L’auteur se reconnait aussi dans son soucis du détail. Les modes de vie qu’il propose sont assez détaillés et il explique bien en postface ce qui tient plus ou moins des connaissances que l’on a sur l’existence en ces temps-là de la pure spéculation.
L’aspect uchronique semble un peu diffus sur ce premier volume, même si l’auteur l’explique dans la postface. Cependant, les deux volumes suivants se passant quelques millénaires plus tard, cette divergence historique deviendra manifeste au lecteur.
Baxter est un auteur capable de donner le vertige, avec des réalisations technologiques impressionnantes, notamment dans Accrétion avec l’anneau de Boulder, dans Espace avec divers exemples d’ingénierie planétaire, ou encore dans Transcendance, Tempête solaire… Bref, c’est un habitué des gros projets. Ici, la technologie et l’échelle physique seront certes plus modestes, mais on verra bien de la réalisation ambitieuse à l’échelle des individus concernés. Tout en étant évidemment pas totalement délirante pour l’époque (ou presque, là aussi l’auteur s’explique bien en postface).
En terme de forme, on est sur un découpage assez classique chez l’auteur : un récit en plusieurs parties et des chapitres assez courts. Sans toutefois se perdre dans des sous-intrigues bavardes. Au niveau des personnages, on pourra toujours critiquer une habitude chez Baxter à écrire des protagonistes qui manquent de relief. Pourtant, je trouve une certaine justesse dans sa façon d’écrire des personnages qui se laissent dévorer par leur obsession, au point de tout y sacrifier. Il met aussi bien en scène la lâcheté humaine et sa propension à céder à ses pires travers (violence, viol, asservissement…) sans pour autant se laisser aller à la complaisance dans la description des horreurs : il garde une certaine froideur clinique dans la description et n’utilise pas ses éléments pour remplir un quelconque quota de violence. Simplement, ces éléments font partie du récit.
J’avoue que cette trilogie prenait un peu la poussière dans un coin. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre et j’étais un peu dubitatif à l’idée d’une uchronie prenant sa racine dans un événement géologique de notre préhistoire. Je n’aurai pas dû. Stone Spring a bien les marqueurs d’un roman de Stephen Baxter, jusque dans la postface où l’auteur évoque le glissement de terrain de Storegga et le destin du Doggerland, qui lui servent de point de divergence. Je suis maintenant assez curieux de voir ce qu’il raconte dans Bronze Summer et Iron Winter, notamment les répercutions possibles de ce premier volume de l’autre côté de l’Atlantique, puisque Baxter nous a donné un bref aperçu du continent américain.
Stone Spring
de Stephen Baxter
éditions Gollancz
501 pages (format moyen)