J’ai parlé ici, il y a quelques temps, de La course au Rhin de Nicolas Aubin qui relatait la séquence des opérations sur le front Ouest entre la percée en Normandie à l’été 1944 et l’enlisement aux frontières de l’Allemagne à la fin de l’automne de la même année. Je dispose déjà d’un ouvrage sur les opérations autour du Rhin pendant l’année 1945 mais avant de m’y lancer, je souhaitais lire quelque chose sur l’offensive des Ardennes de l’hiver 1944. C’est maintenant chose faite avec Ardennes 1944, d’Antony Beevor.
Si l’ouvrage s’intéresse à la contre-offensive des Ardennes, qui débute le 16 décembre 1944, le récit commence à la libération de Paris trois mois et demi plus tôt. L’auteur fait une rapide présentation de la situation à ce moment et résume l’action des mois suivants. Des ratages sur les encerclements possibles au niveau de la Seine jusqu’à l’échec de l’opération Market-Garden (le fameux « un pont trop loin ») en passant par les tentatives infructueuses de Patton de percer en Lorraine.
Beevor revient ensuite un peu plus longuement sur un épisode que j’avais déjà croisé dans l’ouvrage de Nicolas Aubin : les combats de la forêt de Hürtgen. Ou comment le commandement américain s’enferre dans une action très coûteuse en hommes et en moyens et au résultat globalement nul. Cette dernière opération est importante car une partie des forces américaines épuisées par ces combats seront ensuite en première ligne lors de l’assaut allemand sur les Ardennes.
L’auteur s’occupe ensuite de présenter la façon dont l’idée de cette contre-offensive apparait puis prend forme. On voit donc les préparations allemands et comment ceux-ci soit échapperont aux alliés, soit ne seront pas correctement interprétés, offrant ainsi la surprise aux allemands.
Vient ensuite le déroulé des opérations proprement dites, de l’assaut initial le 16 décembre, jusqu’à son coup d’arrêt puis les débuts de la riposte alliée. Beevor présente les événements jour par jour, de façon assez détaillée.
Le style de l’auteur est très abordable. L’ensemble se lit presque comme un roman. Si Beevor prend le temps de présenter les grandes lignes et d’analyser la situation, il émaille aussi son récit de quantité de petites anecdotes qui permettent d’illustrer les événements. Il évoque évidemment le massacre de Malmédy ainsi que ses suites : les SS ne se limiteront pas à cette occurrence et vont au contraire tuer régulièrement les prisonniers américains. Ils vont aussi exercer de nombreuses représailles contre les civils belges qui avaient célébré quelques semaines auparavant la libération de leur territoire. En retour, la publicité rapide faite sur le massacre de Malmédy au sein des troupes américaines va provoquer une radicalisation de leur part et quantité de prisonniers allemands seront aussi purement et simplement exécutés.
Beevor met aussi en scène les problèmes de commandements du côté alliés. J’ai déjà croisé le sujet dans l’ouvrage d’Aubin et le point de vue de Beevor permet d’appuyer sur ce point. Patton, Bradley, Montgomery, chacun ne loupe pas une occasion pour essayer de briller ou de tirer la couverture vers soi. Bradley en particulier ne sort pas grandit de l’affaire, semblant à la limite de la paranoïa vis à vis d’un Montgomery, dont les troupes vont pourtant sauver la mise aux américains.
L’auteur s’intéresse aussi naturellement aux raisons de l’échec de cette contre-offensive. Plan dont les ambitions dépassent les moyens, naturellement. Mais aussi des problèmes d’organisation : des choix de routes pas forcément avantageux. Et puis une rivalité entre la SS et la Wehrmacht, la première cherchant à avoir la primauté systématique, tout en étant dirigée par un Sepp Dietrich que Beevor n’épargne pas.
Beevor évoque aussi le célèbre épisode de Bastogne et de l’encerclement de la 101e aéroportée. Mais il ne se contente heureusement pas d’enfiler les airs connus mais présente réellement les choses de façon détaillée : d’autres unités américaines se retrouvaient coincées dans la bourgade belge et ont contribué à l’échec allemand. On voit aussi que si les premières unités américaines sur lesquelles les forces allemandes sont tombées se sont dans l’ensemble fait étriller, elles ont contribué raisonnablement à l’échec de leurs adversaires en les retardant à un moment crucial.
Ce Ardennes 1944 me parait assez complet sur le sujet qu’il traite. Beevor a une plume vraiment agréable qui permet de lire ça aisément et il évoque pas mal d’aspect de cette opération. L’ouvrage contient aussi deux petits carnets de photos qui illustrent assez bien l’ensemble. La seule chose que j’aurai aimé en plus serait la présence de cartes supplémentaires. Il y a en a près d’un vingtaine, mais j’aime toujours pouvoir disposer d’un maximum de ces outils bien pratiques pour suivre des opérations militaires. Bref, à part ce petit bémol, je conseille vivement l’ouvrage à ceux qui sont intéressés par le sujet.
Ardennes 1944 (Ardennes 1944)
d’Antony Beevor
traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat
éditions Livre de poche
596 pages plus glossaire, ordre de bataille, notes et bibliographie (poche)