J’ai plusieurs fois vu passer, dans les réseaux historiques, la collection Histoire de France des éditions Belin, comme étant une référence sur le sujet. Et j’ai fini par me décider à tenter le premier volume, pour voir si cela correspondait éventuellement à mes besoins. Voici donc le premier volume, sur treize, La France avant la France, couvrant la période allant de 481 à 888.
Si la couverture propose des dates précises, l’ouvrage parle évidemment de ce qu’il se passe avant l’an 481 sur le territoire de la France actuelle. En introduction, le directeur de la collection, Joël Cornette, s’exprime d’ailleurs très clairement sur le choix de l’année 481, l’une des dates possibles de l’accession au pouvoir de Clovis, comme point de départ de cette histoire. Les auteurices commencent donc par proposer un portrait de la Gaule au 5e siècle, en évoquant l’héritage de l’empire romain, notamment sur le plan administratif, ainsi que l’arrivée et l’intégration des peuples germaniques ; les fameuses « invasions barbares » auxquelles il est fait un sort en tant qu’idée reçue.
On nous propose ensuite un état de la société, de la culture et de l’économie et de leurs changements pendant l’ère mérovingienne. Puis il est enfin question de Clovis et de ses premiers successeurs. Si la partie sur le premier des mérovingiens et notamment sa conversion est évidemment intéressante, la présentation de sa succession et des nombreux problèmes que provoquent les règles d’héritage de l’époque est vraiment bienvenue. Le découpage régulier en différentes entités, dont la Neustrie, l’Austrasie et l’Aquitaine, expliquent bien le titre de l’ouvrage. Les auteurices s’intéressent ensuite à l’apogée de l’ère mérovingienne, avant son lent déclin, ainsi qu’un panorama de la société mérovingienne en tant que société chrétienne.
La deuxième partie de l’ouvrage parle de la première partie de l’ère carolingienne, en commençant par les prémisses avec l’ascension des pippinides en tant que maire du palais et la prise de pouvoir de Pépin le Bref. L’empire carolingien est présenté de ses débuts sous la conduite de Charlemagne à sa fin sous les effets des conflits entre les fils de Louis le Pieux. On voit alors les nouvelles épreuves qui affectent la partie occidentale de l’ancien empire, notamment les raids de vikings et les sempiternels problèmes de succession qui ne sont jamais réglés de façon durable et conduiront à un changement de direction du pays à la mort de Charles le Gros début 888.
Les auteurices proposent encore quelques chapitres. D’abord sur la place de l’Église dans la société. Ensuite, sur l’aristocratie et son mode de vie. Enfin, sur le reste de la population et l’économie du pays carolingien. En plus du texte principal, le volume propose une section « L’atelier de l’historien », qui revient sur les sources dont on dispose pour étudier la période ou des questions qui ont fait ou font encore débat.
Cet ouvrage est donc assez exhaustif sur toute la période qu’il couvre et il ne se contente pas d’égrainer les règnes des souverains successifs mais présente aussi les différents aspects des sociétés mérovingiennes et carolingiennes : religions, statut social, économie, etc. Ceci permet d’ailleurs de bien réaliser à quel point les choses peuvent différer de la vision que l’on a d’un moyen-âge immuable. On voit d’ailleurs les évolutions dans certains de ces domaines au fil des quatre siècles que couvre l’ouvrage. Dans l’ensemble, les auteurices sont limpides dans leur propos, tout en faisant usage d’un vocabulaire précis et fouillé. On trouve d’ailleurs un glossaire en fin d’ouvrage pour aider à comprendre certains termes si on ne les connait pas déjà. Voilà le genre de chose qui permet de mettre l’ouvrage à la portée du plus grand nombre.
En terme de mise en page, le travail est vraiment magnifique. Le texte est très richement illustré avec des tableaux, sculptures, objets de toutes sortes, ainsi que des cartes ou des schémas. Et toujours accompagnés d’une légende précise et détaillée. Des encarts proposent aussi régulièrement des extraits de documents de l’époque. Bref, le texte n’est pas brut et au contraire accompagné d’une iconographie qui apporte vraiment un plus très appréciable. Enfin presque, puisqu’il y a deux mots à dire sur les différentes éditions de l’ouvrage.
Si j’ai bien compté, il existe quatre éditions différentes de ce livre, ainsi que des autres volumes de la collection. Une édition grand format à couverture souple (environ une quarantaine d’euros), une autre grand format à couverture dure (plus de soixante euros… quand c’était disponible neuf, maintenant c’est d’occasion et encore plus cher), une en format moyen à couverture souple (une grosse vingtaine d’euros) et une dernière en poche (une bonne dizaine d’euros le volume et en cours de publication). Hormis les différentes de format et de prix, la version poche semble ne contenir que le texte et les extraits de document, toute l’iconographie semble absente de cette édition. Si l’option poche est donc, de loin, la moins onéreuse, je ne peux la conseiller qu’à ceux qui ne veulent vraiment que le texte. Pour les autres, il faudra débourser un peu plus, le format moyen pouvait éventuellement se trouver sur le marché de l’occasion.
Bref, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage. Mes attentes, pourtant pas minimes, ont été largement comblées. L’ouvrage est très riche. Riche par les thèmes abordés, riche par les détails évoqués, riche par l’iconographie illustrant magnifiquement l’ensemble. Une très belle réussite et je compte naturellement lire la suite de cette collection, en continuant dans l’ordre chronologique avec le deuxième volume, Féodalités.
La France avant la France
de Geneviève Bührer-Thierry & Charles Mériaux
éditions Belin, collection Histoire de France
627 pages, plus chronologie, arbres généalogiques, glossaire, bibliographie & index (format moyen)