Si je l’ai peu évoquée jusqu’ici sur ce blog, j’aime beaucoup ce qu’écrit Connie Willis. Mais j’avais pour l’instant lu essentiellement des textes longs de sa plume, comme Remake, Passage, Le grand livre ou Sans parler du chien. Or l’autrice a aussi produit pas mal de textes courts dont certains ont été repris en recueil. J’ai donc exhumé de ma bibliothèque Les veilleurs de feu qui y trainait depuis un bon moment.
Le recueil commence par le texte éponyme, la novella Les veilleurs de feu, qui se passe dans le même univers que Le grand Livre, Sans parler du chien et le diptyque Blackout/All Clear. C’est chronologiquement le premier texte qu’elle a écrit dans ce cadre. On s’y retrouve donc dans le Londres du Blitz, en suivant un historien qui vient étudier la cathédrale Saint Paul. Le récit se fait par le biais de son journal personnel. J’ai eu plaisir à replonger dans cet univers. On y recroise brièvement l’inoxydable Dunworthy ainsi que Krivin, protagoniste principale du Grand livre. La description que fait l’autrice est toujours pleine de petits détails qui rendent tout ça vivant et j’ai aussi retrouvé ses touches d’humour que j’apprécie, notamment cette propension aux quiproquos dignes de pièces de théâtre et dans lesquels plongent ses personnages. Bref, une belle première incursion dans cet univers que Willis a bien exploité par la suite.
On passe ensuite à un texte plus court, Rituel du service des morts, où l’autrice réutilise une idée assez courante : assister à son propre enterrement. La façon dont elle décide d’exploiter ceci est pas mal et je trouve en particulier qu’elle a réussi à mener le texte vers une fin satisfaisante.
Dans Perdu et retrouvé, on consomme pas mal de références bibliques. Ceci peut rendre le texte un peu moins facile à apprécier aux lecteurices francophones, pas forcément aussi féru/e/s de citations bibliques que leurs homologues d’Outre-Atlantique. Personnellement, cela ne m’a pas gêné et j’ai apprécié de retrouver ici une autre possibilité de méprise dont l’autrice à le secret.
Le ton change pas mal dans Joyeux Noël, mes chéris ! qui est écrit avec un aspect grivois très prononcé. C’est une nouvelle qui montre que Willis peut tout à fait se plonger dans des champs lexicaux variés. L’ambiance est tout aussi décoiffante que le vocabulaire. Mais ça n’est probablement pas un texte à mettre entre toutes les mains.
Dans Le père de la mariée, on retrouve une idée exploitée ailleurs : le conte de fée vu autrement. Ici, l’autrice propose un peu de voir ce qu’il se passe après la fin de l’histoire, en adoptant le point de vue d’une personnage secondaire du conte concerné. Un peu classique mais plaisant.
L’ambiance est moins enthousiasmante dans Une lettre des Cleary. Par le point de vue d’une jeune fille, Willis nous décrit petit à petit une situation particulière et globale pas très réjouissante. On sent vite que l’ambiance est un peu spéciale et ça se découvre progressivement.
Dans Car certains sont venus de loin, on revient dans un registre plus humoristique. Il est cette fois question des mères de famille et de ce qu’elles perçoivent quand elle vaguent à leurs occupations et qui échappe totalement au reste du monde. Le côté hyper-sollicitée par sa progéniture est très bien rendue par l’autrice et c’est avec une certaine délectation qu’on la voit construire son intrigue.
On revient à une ambiance nettement moins amusante avec Le sidon dans le miroir. L’idée derrière l’intrigue est assez tordue et un poil inquiétante. Et le cadre choisi par l’autrice a le côté impressionnant des space opera à la Stephen Baxter. L’ensemble forme un mélange un peu étrange mais qui fonctionne assez bien.
On reste dans un environnement assez étrange avec Marguerite au soleil. On dirait que le monde tire à la fin ou pas et on suit tout ça avec le regard d’une jeune femme qui vit un drame personnel qui semble gommer l’enjeu plus global. J’ai trouvé une certaine justesse dans certains passages de ce texte.
Retour à l’humour avec Bille de clone, un texte assez court où l’on propose de vendre des clones par correspondance. La nouvelle prépare évidemment une chute, qui a quand même réussi à me surprendre légèrement et surtout à me faire sourire.
Renversement d’ambiance dans Drôle de samaritain, où en partant d’un orang-outan à qui on a appris le langage des signes on arrive à la question de savoir s’il peut être baptisé ou pas. Un texte où l’autrice s’amuse un tout petit peu avec les différentes branches des religions chrétiennes, mais où surtout elle arrive à faire passer beaucoup d’émotion. Peut-être le texte qui m’a le plus touché dans ce recueil.
Ce recueil se conclut avec La lune bleue. L’autrice y joue avec le thème des coïncidences, en utilisant une vague justification sur la présence récurrente de ces dernières. Mais elle livre surtout un récit qui irait très bien à côté des grandes comédies américaines, à la Howard Hawks, Frank Capra ou Ernst Lubitsch. Quiproquo, humour, relation sentimentale, dialogues percutants, seconds rôles savoureux, etc. tout y est. Bref, un dernier texte qui m’a vraiment beaucoup fait plaisir.
Dans l’ensemble, ce recueil est assez varié et si je n’ai pas apprécié de manière égale tous les textes, j’ai apprécié l’ensemble et j’ai vraiment pris du plaisir à certaines nouvelles, notamment les deux dernières. Connie Willis s’est aussi fendu d’une petite introduction pour chaque nouvelle qui permet de se faire une petite idée de ce à quoi s’attendre. J’ai un autre recueil de l’autrice qui traîne dans un coin, Aux confins de l’étrange, et je compte bien m’en occuper un de ces prochains jours.
Les veilleurs du feu (Fire Watch)
de Connie Willis
illustration de George Smith
344 pages (poche)
ET le lien avec cet univers, se sent-il ou est-ce vraiment ténu ?
Est-ce que ce recueil enrichit la lecture de Black out, ou vice-versa ?
Outre le lien assez évident avec Le grand livre, puisque l’on croise sa principale protagoniste qui fait légèrement référence à son expérience temporelle (alors que le roman ne sortira que huit ans plus tard 😛 ) il y a effectivement un lien avec le diptyque Black out/All clear, qui se manifestera dans le deuxième volume. 🙂
Et si ce recueil n’est plus édité depuis belle lurette, certains textes, dont celui-ci, ont été repris dans le recueil « Les veilleurs » qui lui doit encore être trouvable.