Je continue tranquillement ma relecture de La Compagnie Noire de Glen Cook et après un Rêves d’acier dans lequel Madame racontait l’histoire, on change à nouveau de narrateur avec ce septième volume : Saisons funestes.
On retrouve donc Murgen, personnage secondaire dans certains des volumes précédents et qui se retrouve propulsé annaliste de la Compagnie. Ou du moins de sa fraction enfermée dans Déjagore. Ce volume ne prend pas directement suite au précédent mais commence en parallèle de son intrigue en s’intéressant aux membres de la Compagnie coincés dans la ville assiégée.
En parallèle, le récit va se porter sur plusieurs époques postérieures à ce siège. Si les bascules d’une époque à une autre sont parfois un peu surprenantes, l’auteur arrive à y donner un sens tout comme au titre de cet ouvrage. D’ailleurs, on nous propose un artifice intéressant pour avoir des informations sur des endroits que Murgen ne visite pas. On a aussi une explication pas déconnante sur la façon dont ont pu être compléter les volumes précédents des annales, qui comprenait des passages hors point de vue du narrateur.
J’aime bien le point de vue de Murgen. Si y avait déjà de l’humour dans la façon de décrire la situation et les gens, notamment chez Toubib et Casier, je trouve que c’est encore plus flagrant avec Murgen. Il a plein de piques pour ses amis comme pour ses ennemis et c’est particulièrement flagrant lorsqu’il s’agit du duo infernal Gobelin / Qu’un-Œil. Notons en passant que le volume contient un bref passage par un autre annaliste, Qu’un-Œil, et on comprend très vite pourquoi ce dernier n’est pas maintenu à ce poste plus que nécessaire.
Cook décrit toujours assez bien les choses sur le plan de la guerre. La vie d’assiégé n’a rien de folichon, surtout quand les vivres commencent à manquer. Il est aussi de temps en temps question de formation de troupes, d’entretenir l’esprit de corps, etc. On commence aussi à voir les préparatifs pour des opérations futures et si le passage est assez bref, il est bien parlant sur les ordres de grandeur employé : une guerre consomme énormément de ressource et ici ça se voit.
Les livres de cette série ne comprennent pas de carte, de liste de personnages, lexique ou tout autre type d’annexes que l’on retrouve parfois dans les ouvrages de fantasy. Pourtant, ça n’empêche pas une certaine richesse dans le monde décrit. Notamment au niveau de la géopolitique. On continue de voir que le monde ne se divise pas en deux clans facilement identifiable mais au contraire que les factions sont multiples, pas forcément bien définies et évolutives. La Compagnie Noire elle même est dans une phase où il est un peu compliqué d’en tracer précisément le contour.
L’un des intérêts de changer d’annaliste est non seulement d’avoir un ton différent mais aussi un regard critique sur les textes passés. Ainsi, Murgen commente un petit peu le travail de Toubib et pointe quelques omissions ou des choix dans la façon de présenter les choses. On a aussi une perception différente de certaines choses. Ainsi, l’obsession de Toubib pour le Khatovar est-elle plus évidente, tout comme sa transformation en un personnage de plus en plus impitoyable.
Tout comme les précédents volumes, Saisons funestes a été un plaisir à relire. J’ai beaucoup apprécié le ton de Murgen et j’ai même ricané quelques fois à la lecture de certaines répliques. Bien que le volume soit considéré comme le premier d’un nouveau cycle, celui des Livres de la pierre scintillantes, il est dans la continuité directe de Jeux d’ombres et Rêves d’acier. Je vais maintenant pouvoir passer au volume suivant : Elle est les ténèbres.
Saisons funestes (Bleak Seasons)
de Glen Cook
traduit par Alain Robert
illustrations de Didier Graffet / Slava Gerj
éditions L’Atalante / J’ai Lu
431 page (format moyen) 448 pages (poche)