Si la fiction possède ses anthologies, et j’en chronique quelques-unes sur ce blog, la littérature historique a aussi les siennes. Comme par exemple ce volume qui propose de s’intéresser à une vingtaine « d’énigme » de l’histoire de France, sous la direction de Jean-Christian Petitfils.
L’ouvrage explore donc vingt événements, de l’antiquité au 20e siècle et propose un éclairage. On aura donc soit des précisions, des démontages en règle de mythe ou parfois la confirmation qu’il reste un mystère sans qu’aucune explication fournie ne soit vraiment satisfaisante.
Différents historiens et historiennes se succèdent au fil des articles et si je ne les connais pas tous, j’ai vu assez de noms plutôt rassurant par rapport aux sujets abordés. Ainsi, Jean-Louis Brunaux qui écrit sur Alésia a produit une biographie remarquée de Vercingétorix. L’article sur Roberspierre est de la main de Jean-Clément Martin, l’un des historiens en pointe sur la Révolution Française. Ou encore Olivier Wieviorka, spécialiste de la Résistance qui écrit ici à propos de Jean Moulin. Bref, dans l’ensemble les gens derrière les articles m’ont semblé plutôt légitime dans leur rôle.
Sur la vingtaine de sujets abordés, un seul m’était totalement inconnu : le suicide du duc de Bourbon à Saint-Leu. Dans les autres cas, je connaissais déjà le sujet de nom, comme pour la Cagoule ou la Mauresse de Moret, voire assez en détail, par exemple l’affaire du collier de la reine. On arrive parfois à des conclusions un peu ironique : dans le cas de Ravaillac, il semble possible qu’il y ait eu un complot pour éliminer Henri IV… mais que Ravaillac n’en faisait pas partie.
Dans certains cas, comme par exemple à propos de Jeanne d’Arc, on va présenter les éléments et réfuter les diverses explications un peu « légendaires » proposées. On voit ainsi un vrai festival des idées improbables proposées pour le trésor des Templiers. Chacune est démontée de façon assez convaincante par l’auteur de l’article.
Lors d’une réfutation, il y a toujours la tentation de considérer que les arguments avancés contre l’hypothèse « merveilleuse » ne sont pas très solides, voire de mauvaise foi. Pourtant, il y a ici quelques bons exemples d’argument plutôt cohérent. Ainsi, pour les affaires du Masque de fer et de la Mauresse de Moret, la version légendaire part généralement d’un secret entourant la naissance du personnage central. Dans les deux cas, il y aurait une naissance royale secrète. Or, comme le précise les auteurs des deux articles concernés, les naissances royales (et les grossesses qui les précèdent) sont des éléments trop importants de la vie des cours et suivis par bien trop d’yeux pour que l’on puisse cacher un jumeau ou imposer le secret sur la couleur de peau d’un bébé. Quand les grandes figures de la cour assistent à l’accouchement et que les ambassadeurs de toute l’Europe attendent les nouvelles dans l’antichambre, il parait assez improbable de pouvoir se livrer à de telle magouilles.
L’article concernant Louis XVII m’a un peu surpris. Il est manifestement écrit par un royaliste et cela transparait de façon assez peu objective par moment. Cependant, le sujet, à savoir le dauphin est-il bien mort dans la prison du Temple en 1795 ?, est traité de façon tout à fait correct et les nombreux cas de prétendus survivants sont bien réfutés : une analyse ADN a finit par clairement identifier les restes de l’enfant comme étant bien ceux du dauphin.
Dans l’ensemble, j’ai apprécié cette lecture. J’aime bien toujours les aspects un peu légendaire de l’histoire et ses mystères, mais j’apprécie toujours que les historien(ne)s proposent ce que la science historique peut dire, ou ne pas dire, sur ces sujets. Et parfois, ce que les éléments historiques permettent de conclure est tout aussi intéressant que la légende, voir plus. Si cela étouffe parfois un peu le merveilleux, il reste cependant toujours largement assez de sujet (comme on le voici ici concernant Jeanne d’Arc) sur lesquels on n’a pas de certitude pour entretenir un petit frisson de plaisir.
Les énigmes de l’histoire de France
ouvrage dirigé par Jean-Christian Petitfils
éditions Perrin
380 pages, dont notes et bibliographies (poche)
disponible en numérique chez 7switch