Dans les cours d’histoire, lorsque l’on parle de la période de la guerre froide, on énumère généralement quelques grandes crises et conflits, dont la guerre de Corée. J’ai cependant toujours eu l’impression que ce conflit, très meurtrier, était vraiment survolé. Voulant creuser un peu la question, je suis donc intéressé à l’ouvrage d’Ivan Cadeau.
Suivant la bonne pratique, l’auteur commence par présenter le contexte. Et la Corée étant un pays assez loin et pas forcément très familier du lecteur francophone, cette présentation débute par un résumé rapide de l’histoire du pays. Le récit ralentit au 19e siècle avec les nombreuses interventions étrangères, y compris européennes, puis l’occupation japonaise à partir de 1905. Puis arrive la seconde guerre mondiale et sa résolution. Cadeau explique alors comment le pays se retrouve divisé entre deux zones d’occupation et la façon dont finissent par émerger deux entités étatiques distinctes, séparées par le 38e parallèle Nord. Enfin, il raconte la marche vers la guerre qui finit par se déclencher le 25 juin 1950.
L’auteur va alors présenter le déroulement des opérations militaires, qui vont voir les armées traverser le pays plusieurs fois jusqu’à ce qu’un front se stabilise quasiment à son point de départ. Il détaille les différentes forces en présence et en particulier la superposition dans le sud entre des forces sud-coréennes et les troupes américaines. L’ouvrage est l’occasion de rappeler qu’il s’est écoulé cinq années depuis la fin de la seconde guerre mondiale et que l’Oncle Sam ne dispose plus des moyens militaires qu’ils avaient : ses effectifs ont fondu et son personnel n’a plus l’expérience des combats.
Au-delà des opérations militaires proprement dites, Cadeau parlent aussi des choix faits au niveau stratégique, de la façon dont le coup de poker d’Inchon finira par s’imposer, contre l’avis d’une partie de la direction militaire américaine. On voit aussi les questions concernant la poursuite des opérations une fois le 38e parallèle atteint. Les forces des Nations-Unies doivent-elles continuer en territoire nord-coréen. Des deux côtés, on voit que les questions militaires sont aussi soumises à des impératifs politiques : il faut organiser et maintenir une coalition multinationale du côté sud, il faut éviter l’emballement vers le conflit généralisé du côté du nord.
Les négociations de paix qui commencent dès 1951 et qui aboutiront à l’armistice de Panmunjon deux ans plus tard ont évidemment droit à leur part du récit. Les phases de blocage et de progression alternent, les deux camps utilisant aussi l’arme de la propagande pour proposer chacun leur version des événements à la scène internationale. Le conflit est une sorte de vitrine idéologique qui permet de faire passer des messages.
L’auteur ne fait pas non plus l’impasse sur les crimes de guerre, qui sont flagrants des deux côtés. Les américains ne sont pas épargnés à ce niveau. Le traitement des prisonniers et les problèmes posés par leur regroupement en camp est également évoqué.
Dans l’ensemble, le côté sud-coréen/américain est mieux éclairé par l’auteur que le côté nord-coréen/chinois/soviétique. La différence sur la disponibilité des sources rend ceci à peu près inévitable. Cependant, j’ai trouvé que Cadeau apporte quand même pas mal d’éléments intéressants sur les ressorts internes du camp soviétique.
On a donc un ouvrage pas trop épais mais qui ne semble pas négligé d’aspect du conflit. La mise en contexte est claire et efficace et le texte a son lot de note de bas-de-page qui permettent aux lecteurs de disposer de quelques éléments complémentaires sur certains points. Bref, je trouve que l’ouvrage fait une bonne entrée sur ce conflit pour qui voudrait s’y intéresser.
La guerre de Corée
d’Ivan Cadeau
éditions Perrin
360 pages (poche)