Ayant grandi dans les années 1980, j’ai un assez bon souvenir de la fin de la Guerre Froide. Une époque où le monde pouvait paraître relativement simple et binaire, où la géopolitique était parfois résumée à deux camps s’opposant systématiquement. Cette vision est évidemment parcellaire et déformée et depuis je l’ai largement complétée. Mais je comptais bien lire un jour sur le sujet. Le livre d’Odd Arne Westad est arrivé à point nommé pour combler cette envie.
Comme toujours dans les ouvrages historiques, on commence avant. Ici, l’auteur démarre son propos vers la fin du 19e siècle, une période qui connait une grosse crise économique. On voit déjà alors l’opposition entre socialisme et capitalisme qui se met en place. Cette confrontation se prépare tout au long de la première moitié du vingtième siècle, jusqu’à ce que l’on arrive à la fin de la seconde guerre mondiale.
L’auteur suit ensuite à peu près la chronologie des événements, tout en changeant de zone géographique au fur et à mesure de ce qui fait les gros titres de l’époque : guerre de Corée, du Vietnam, conflits israélo-arabes, Cuba, Chine, Afghanistan, etc. L’opposition États-Unis/URSS est évidemment au centre de l’ouvrage, avec le détail des changements de position de chaque côté et les grands événements « classiques » cités ci-dessus sont bien traités. Mais l’auteur ne s’arrête pas là et fait littéralement le tour du globe au fur et à mesure du livre, en montrant bien les effets de cette opposition sur l’ensemble des nations. Que ce soit ceux qui choisissent un camp ou ceux qui décident de ne pas s’impliquer.
L’un des points que j’ai beaucoup apprécié dans l’ouvrage est le fait que l’auteur essaie de proposer la vision des choses des différents grands intervenants. Ainsi, on peut mieux comprendre les motivations qui poussent à certaines décisions. On voit aussi que des problèmes surgissent notamment parce que chaque camp a une vision naturellement déformée des choses et projette sur l’autre des intentions qui ne sont pas les bonnes. Cette incompréhension se manifeste très bien par la vision simpliste des nations occidentales s’imaginant un bloc soviétique homogène et prêt à conquérir le monde et par la vision tout aussi simpliste par les soviétiques d’un monde occidental (et capitaliste) se préparant à envahir l’Europe de l’Est. Dans les deux cas, on constate vite que la réalité n’était pas vraiment en phase avec ces impressions.
Le livre se termine naturellement par la chute du Mur de Berlin puis la dissolution de l’Union Soviétique. Le processus menant à ces deux événements, ainsi qu’à ceux qui les accompagnent comme la fin du régime Ceausescu en Roumanie, est bien présenté. On voit les évolutions de mentalités des différents côtés, en fonction des changements de direction et l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev est vraiment l’un des éléments clés.
Si j’ai repéré une ou deux erreurs de l’auteur, elles concernent la seconde guerre mondiale qui n’est pas le cœur de l’ouvrage et il s’agit essentiellement de points de détail. Sur le sujet central, je n’ai rien repéré qui contredisent mes connaissances.
Voilà donc un ouvrage qui aura bien rempli mes attentes. L’auteur explique bien les origines de cette guerre froide. Il détaille les différents moments qui la constituent, en faisant bien le tour du monde et des nombreux conflits et oppositions qui en résultent. Les éléments économiques ne sont pas oubliés, ni les personnalités des différents dirigeants. On pourrait regretter que l’auteur ne soit pas plus précis sur certains événements (comme la guerre de Corée ou le Grand Bond en Avant), mais cela me semble normal vu que le livre traite de l’ensemble de la guerre froide. Il donne assez d’informations pour saisir les tenants et les aboutissants de ces sous-périodes que les lecteurices pourront toujours explorer plus en détail dans des ouvrages spécifiques.
Histoire mondiale de la guerre froide
de Odd Arne Westad
traduit par Martine Devillers-Argouarc’h
éditions Perrin
720 pages, dont notes et index (grand format)
disponible en numérique chez 7switch