Ayant tout un stock d’anthologies, notamment dirigées par Jonathan Strahan, en stock, j’en intercale un peu entre deux volumes de la série Infinity. Voici donc une antho, sous supervision de Strahan, intitulée Mission Critical.
Le thème que propose l’anthologiste est celui du moment où quelque chose part de travers et où l’on tente d’y remédier, un peu à la façon de la mission Apollo 13. De son aveu même, ce volume pourrait constituer une sorte de huitième épisode de la série Infinity.
Ce volume s’ouvre avec un texte de Greg Egan. Dans This is Not the Way Home, il est question de tourisme lunaire. Gagner une lune de miel sur le satellite naturel de la Terre, c’est une nouvelle enthousiasmante. Encore faut-il que le séjour se passe sans accro, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Dans ce texte, l’auteur trouve le moyen de n’expliquer que très partiellement le « sauvetage », même s’il a recours à une idée de voyage dans l’espace qui a déjà fait l’objet de quelques études et qui est assez originale. La nouvelle peut aussi avoir un aspect très frustrant, car un certain nombre de questions restent sans réponse et le texte ne se termine pas forcément au moment où l’on s’y attendrait. Mais Egan insuffle une petite dose d’humain qui rend ça fort sympathique à lire.
Je retrouve ensuite une autrice que j’ai déjà croisé dans plusieurs anthologies précédentes de Strahan et beaucoup apprécié : Aliette de Bodard. La nouvelle Rescue Party s’inscrit dans son univers du Xuya, un space-opera assez original et dont je finirai bien un jour par explorer les textes qui ne se trouvent pas dans les anthos de Strahan. Bref, on va suivre le parcours de Khánh Giao, une jeune femme qui vit sur un monde où elle et les siens sont un peu étrangers et où passer un certain âge, on propose aux gens un choix particulier. Giao a normalement quelques décennies à vivre avant de voir ce jour fatidique. Normalement. Dans ce texte, l’autrice manie plusieurs thèmes dont celui de la conservation du savoir et celui de l’intégration des réfugiés (ou l’absence d’icelle). J’ai beaucoup aimé ce texte, pour l’ambiance qui s’en dégage et pour les idées proposées.
On passe ensuite à une autre autrice déjà vu dans une antho de Strahan : Linda Nagata. Dans Devil in the Dust, nous partons pour la planète rouge, où semble s’affronter humains et machines. Le récit est à la première personne et la narratrice fait partie d’une unité qui arpente Mars, prête à affronter des machines belliqueuses et rebelles. C’est assez bien rythmé, avec sa dose d’action agrémenté de techno-gadgets destructeurs. Mais il y a aussi une réflexion sur le bien fondé de continuer à envoyer des humains accomplir une tâche que d’autres machines feraient tout aussi bien. J’ai aussi trouvé une petite sensation de parallèle avec une infection tentant de se répandre dans un organisme. Bref, un texte que j’ai bien apprécié.
Gregory Feeley est ma première découverte de cette antho. Dans Hanging Gardens, on se retrouve à nouveau sur la planète rouge. Cette fois, on est plus dans une ambiance de catastrophe et l’on suit le parcours de quelques enfants qui essaient de survivre sur Mars suite à cet événement. Pendant un moment, j’ai crains que le texte ne présente pas grand intérêt. Heureusement, l’auteur fini par introduire un élément qui me l’a rendu plus appréciable. Même si cela n’en a pas pour autant fait une nouvelle vraiment marquante.
Je retrouve un habitué des anthos de Strahan : John Barnes. Dans The One Who Was There on part se promener autour de Saturne et on suit une journaliste qui couvre le secteur et réalise un reportage sur une catastrophe qui a touché une base de recherche sur Titan. J’ai trouvé le texte vraiment intéressant. D’une part, on voit bien comment on assemble et transforme des éléments pour en faire une histoire que l’on vend ensuite comme une « information ». D’autre part, il y a une réflexion sur l’utilité de la recherche humaine dans l’espace. Tout ça marche assez bien ensemble.
C’est ensuite au tour de Tobias S. Buckell avec By the Warth of Their Calculus. Ici on démarre avec un vaisseau qui se retrouve plus ou moins piégé et qui doit s’éclipser en espérant ne pas se faire repérer par des prédateurs. L’ambiance n’est pas mal, avec un petit côté vaisseau vivant. Cependant, je ne suis pas très convaincu par le déroulé des événements sur le plan humain, alors que du côté technique je trouve ça bien. Bref, un texte en demi-teinte pour moi.
Le texte suivant est le seul à double auteur de cette antho. Jason Fischer & Sean Williams propose dans Mutata Superesse un récit de sauvetage : un groupe d’humain qui s’est installé sur un monde non autorisé doit être sauvé par une équipe spécialisée dans ce type d’opération. La forme du récit est bien utilisée, on suit l’un des membres de cette équipe de sauvetage qui parle au lecteur comme s’il s’agissait d’une des personnages à sauver. Le texte n’est pas renversant mais je trouve qu’il se lit bien et son découpage en petits épisodes rend ça assez dynamique.
Je retrouve Yoon Ha Lee dont j’avais fait la connaissance dans une antho précédente. Dans The Empty Gun, on est là aussi dans le space-opera avec un personnage principal qui cherche la vengeance et fait l’acquisition d’une arme particulière pour y parvenir. J’aime bien ce texte, qui part de quelque chose d’assez simple et finit avec des conséquences assez dévastratrices. On est un peu dans la situation de la personne qui n’a pas trop regardé les petits caractères avant de signer le contrat et quand c’est bien fait, ça donne généralement une nouvelle agréable à lire. C’est le cas ici.
Si j’ai surtout croisé Peter F. Hamilton sur de gros romans, l’auteur produit aussi quelques nouvelles. Il fait donc partie du sommaire avec Genesong. On se retrouve dans un space-opera où l’on suit une expédition qui part de Vénus pour aller capturer un objet transneptunien. Une excursion de plusieurs décennies qui ne va pas se passer comme prévu. J’ai retrouvé dans ce texte l’atmosphère de vaisseau organique que l’on trouve dans Les étoiles sont légion et c’est assez bien mis en scène. Par contre, j’ai eu l’impression de repérer un petit problème de cohérence, d’autant plus gênant que ça concerne ce qui va permettre la résolution du texte. J’ai aussi eu la sensation qu’il me manquait un tout petit peu d’explication sur certains aspects de cet univers. Bref, j’ai terminé ce texte avec le sentiment qu’il aurait pu être nettement meilleur.
Dans Something in the Air de Carolyn Ives Gilman on part à la découverte d’une étoile un peu particulière. On suit les trois scientifiques d’une expédition qui explore des systèmes stellaires et qui va se retrouver face à un cas assez étrange. J’ai bien aimé l’alternance entre les trois points de vue et l’idée que propose l’autrice m’a plu. Pendant un moment, je me suis demandé comment le texte allait pouvoir rentrer dans le thème de l’antho et finalement ça passe sans problème. Donc une nouvelle que j’ai bien apprécié.
Avoir un réseau de portails qui permet de déplacer instantanément un vaisseau d’un point à un autre, c’est bien. Par contre, quand un vaisseau atterri là où il ne devait pas aller, c’est gênant. D’autant plus quand il ne semble pas y avoir de portail depuis lequel le dit vaisseau serait sorti. C’est la mésaventure qui arrive à Shep dans Lost in Splendour de John Meaney. Un texte que j’ai trouvé sans intérêt. L’auteur propose un futur avec une génération d’humains modifiés qui semblent partager un même esprit, les GenG, et ça n’apporte rien au récit tout en étant sans substance. Les individus en question n’ont aucun relief dans cette nouvelle et leur disparition progressive n’a déclenché aucune réaction chez moi. De plus, je n’ai rien trouvé d’extraordinaire à l’environnement qu’essaye de développer Meaney comme point d’arrivée. Tout ça n’a ni queue ni tête, le principal protagoniste est très passif et la résolution du problème au centre du récit n’implique pas grand chose de scientifique. Bref, non seulement j’ai trouvé le texte inintéressant mais je n’ai pas compris ce qu’il fait dans cette antho.
On se retrouve beaucoup plus près de chez nous dans The Agreement, puisque Dominica Phetteplace y parle de Mars. Enfin, d’une astronaute qui espère faire partie de la première expédition pour la planète rouge. Mais la vie d’astronaute a son lot de désappointement. Cependant, les choses vont évoluer d’une façon qui va permettre au personnage principal de cette nouvelle de se voir fait une offre particulière. Le texte va causer un peu d’intelligence artificielle, avec une évolution assez attendu et pas trop mal maîtrisé. Et si je n’ai pas trouvé l’ensemble délirant, ça tient quand même assez bien la route et j’ai trouvé la petite idée derrière le titre plutôt sympathique.
Dans The Fires of Prometheus on part du côté de Jupiter. Allen M. Steele y parle d’une mission de sauvetage un peu particulière : L’homme que l’on tente de sauver ne veut pas l’être. Le décor proposé, le système jovien et en particulier la volcanique Io, est assez sympathique. Mais le récit en lui-même ne m’a pas particulièrement emballé.
Je retrouve ensuite une habituée des anthos de Strahan : Kristine Kathryn Rusch. Dans Ice Breakers, on se retrouve sur ce qui semble être une planète de glace, avec une protagoniste qui essaie de ne pas finir coincée par une grosse tempête. L’ensemble de l’intrigue est assez classique, mais je trouve que l’autrice a bien réussi à rendre les dilemmes moraux que rencontre son personnage. On a aussi quelques petits éléments sur ce futur qui ne s’annonce pas forcément très sympathique au niveau de la gestion du personnel. Bref, un texte qui m’a plu.
Enfin, l’antho se termine avec Cyclopterus, nouvelle dans laquelle Peter Watts nous entraîne dans les fonds marins, l’un de ses milieux de prédilection. On est cette fois dans un avenir où rien ne va plus : le monde est en train de mourir et les fonds marins constituent plus ou moins le dernier refuge. Dans ce cadre, l’auteur propose un récit d’exploration sous-marine qui ne se passe pas comme prévu. Si l’intrigue en elle-même me convient, j’ai retrouvé le problème récurrent que j’ai avec Watts : les personnages. J’ai encore l’impression de voir quelqu’un en permanence en colère/énervé. Et ça me gêne dans ma lecture. J’avais d’ailleurs abandonné ma lecture de βéhémoth à cause de ça. Je ne supportais plus de voir des personnages énervés en permanence. Autant je peux accepter un protagoniste chez qui la colère couve et ressort de temps à autre, comme Vimaire chez Terry Pratchett, mais quand c’est un état permanent, sans pause, je trouve ça tout simplement fatiguant. Et depuis que j’ai laissé tomber βéhémoth, je retrouve ce problème dans les autres textes de l’auteur. Le seul où je n’ai pas eu ce soucis est celui où le personnage principal est un drône. Bref, c’est dommage parce que sinon le texte me paraissait pas mal.
Dans l’ensemble, j’ai bien apprécié cette anthologie. J’y ai trouvé quelques textes sans grand intérêt ou qui ne m’ont pas plu mais dans la majorité des cas, ce furent de bonnes lectures. Je vais maintenant peut-être revenir vers la série Infinity avec son sixième volume : Infinity Wars. En tout cas, pour les anthos dirigée par Jonathan Strahan. Il n’est pas exclus que j’intercale une autre antho ou un recueil d’un auteur précis.
Mission Critical
anthologie dirigée par Jonathan Strahan
illustration d’Adam Tredowski
éditions Solaris
459 pages (format moyen)