La seconde guerre mondiale est un sujet sans fin que les historiens ont exploré et continuent d’explorer sous toutes les coutures. Aujourd’hui, je vais parler d’un ouvrage qui s’intéresse à l’aspect recherche scientifique de cette époque.
Pendant le conflit, les grands acteurs ont tous engagés des moyens nombreux et variés, et pas seulement militaires, pour essayer de s’assurer la victoire. Disposer des meilleurs armements, des meilleures protections, etc. est depuis longtemps une des clés des victoires militaires. Il est donc évident que l’un des plus grands conflits de l’histoire a connu une débauche de moyens et d’idées dans ce domaine.
L’auteur adopte un plan thématique plutôt que chronologique, ce qui parait une évidence vu le sujet traité. Cependant, ceci fait qu’il y a parfois des petites redondances dans l’ouvrage, puisque certains personnages ont exercé une influence dans plusieurs domaines techniques. Ceci dit, ça n’est pas gênant et ça donne même un peu de liant à l’ensemble.
Les domaines scientifiques et techniques abordés sont assez nombreux et variés. Et si des domaines comme le déchiffrement des codes ou la bombe atomique sont évidemment attendus, car probablement les plus connus du grand public, on a aussi quelques autres innovations assez célèbres telles que le radar ou la pénicilline. Mais on explore aussi des domaines moins médiatisés, comme celui des statistiques. A chaque fois, l’auteur prend bien le temps de présenter les personnages qui vont intervenir dans chaque innovation.
L’un des aspects que j’ai trouvé très intéressants dans cet ouvrage et qu’il n’est pas question que de recherche scientifique théorique et de prototype. La question de la production à l’échelle industrielle est aussi traité. Car il ne sert à rien d’avoir mis au point un matériel ou un outil révolutionnaire si l’on n’est pas capable de le produire dans des quantités suffisantes pour qu’il fasse effet. L’un des exemples très parlant présentés dans l’ouvrage est celui de la pénicilline. Cet antibiotique est découvert avant guerre mais sa production est très compliquée et on ne peut en fournir que des volumes très restreints permettant à peine de guérir quelques malades. C’est intéressant mais finalement inutilisable pour le commun des mortels. Les progrès réalisés pendant la guerre dans ce domaine vont permettre d’en produire et donc d’en utiliser très largement par la suite, sauvant ainsi un nombre incalculable de vies.
Un autre aspect intéressant de l’ouvrage est celui de la politique et des relations entre personne. La recherche scientifique n’est pas toujours un long fleuve tranquille et rien de tel que la guerre pour exacerber les tensions. On voit donc que dans plusieurs domaines, il ne fut pas facile de faire collaborer certaines personnes et que plus d’une fois des querelles d’ego vont causer des soucis. Du côté des alliés, il y aura aussi les tensions liés à la répartition des tâches et des bénéfices entre britanniques et américains. L’une des choses qui ressort de cet angle d’approche est que l’on distingue au final une différence entre Alliés et Axe : malgré bien des problèmes de personnalité et des tensions régulières entre pays, les premiers ont su partagé leur recherche et l’organiser, l’unifier et la diriger. Les seconds ont au contraire encouragé les divisions, au sein même de leur recherche scientifique. Ce qui au final n’a rien d’étonnant : la création de baronnies concurrentes pour que les ambitieux se neutralisent les uns les autres est dans l’ADN hitlérien. Le résultat s’est fait sentir dans de nombreux domaines (militaire, économique…) et la science n’y a pas échappé.
Au final, j’ai trouvé cet ouvrage très intéressants. D’une part, il propose un panorama assez varié des innovations scientifiques et industrielles introduites pendant la guerre, ainsi que des processus qui ont permis leur aboutissement. D’autre part, il présente bien les différences entre les deux camps, différences qui ont apporté leur contribution à la victoire finale des alliés. Sur le plan technique, le livre est abordable sans connaissance particulière, l’auteur expliquant assez bien les ressorts du radar, de production de la pénicilline ou de la guerre des codes secrets. Preuve pour moi du sérieux du travail : j’ai retrouvé des éléments concordants avec ceux de l’ouvrage de Simon Singh sur les codes secrets et du livre parlant de la bombe atomique allemande.
La guerre des scientifiques
de Jean-Charles Foucrier
éditions Perrin
440 pages, dont bibliographie et notes (grand format)
Disponible en numérique chez 7switch