De temps en temps, je me laisse tenter par la réclame d’un éditeur, vantant soit telle nouvelle pépite découverte ou au contraire la réédition d’un incontournable injustement oublié. C’est ce qu’il s’est passé pour L’enchâssement de Ian Watson. Cette réédition sous belle couverture de Manchu m’a-t-elle séduite ?
On suit plusieurs fils narratifs, l’un démarrant dans un institut qui semble réaliser d’étranges expériences sur des enfants, l’autre dans la jungle amazonienne avec un ethnologue au sein d’une tribu un peu étrange.
Je ne vais pas faire durer le suspense : cette lecture ne s’est pas bien passée. J’ai assez rapidement pris les personnages en grippe et ça ne m’a donc pas facilité la tâche. Et comme sur les autres points rien ne m’emballait particulièrement, voire j’y trouvais aussi problème sur problème, ça n’a fait qu’aller en s’aggravant.
Il y a certes du paratexte pour encadrer ce texte assez ancien (début des années 1970) et si la préface de l’auteur n’apporte pas forcément grand chose, la postface de Frédéric Landragin propose quelques trucs intéressants. Et la partie sur la question du premier contact amène aussi quelques éléments pas dépourvus d’intérêt.
Mais à côté de ça, j’avais un peu de mal à suspendre mon incrédulité sur l’aspect géopolitique. La collaboration américano-soviétique se passe presque sans le moindre écueil et en prenant des décisions rapidement, sans trop donner l’impression d’en référer aux directions des deux pays. L’Oncle Sam fait vraiment la pluie et le beau temps au Brésil, visiblement sans jamais demander la moindre permission ou ne serait-ce que prévenir un minimum les autorités locales, etc. Bref, j’ai eu l’impression de voir une vision du monde par un ado un peu naïf.
Je n’ai jamais compris l’idée d’enchâssement, pourtant au centre du récit. Et si je veux bien admettre que je n’ai pas trop fait d’effort par moment pour essayer de comprendre, le texte a, pour moi, sa part de responsabilité dans cet échec. Tout l’ouvrage tourne autour du langage et à part quelques passages, très intéressants d’ailleurs, concernant la tribu amazonienne, on n’en verra en fait rien. Il est question de poèmes étranges d’un auteur francophone qui aurait inspirer les idées de l’un des personnages. Mais on n’en voit pas une ligne. On nous parle beaucoup des expériences menées sur plusieurs groupes d’enfants, avec des langages inventés, etc. mais on n’en lira pas un mot. Bref, le sujet que traite largement l’ouvrage en est finalement quasi-totalement absent. Or, j’ai besoin d’en voir un minimum pour croire. Autrement, je ne peux consentir à suspendre mon incrédulité. Ce fût donc un échec total de ce point de vue.
Quand je suis mal parti dans une lecture, j’ai tendance à relever le moindre truc qui me paraît aller de travers. Ça n’a pas loupé cette fois-ci. Ainsi, bien que la traduction ait bénéficié d’un toilettage, il reste quelques scories, notamment un abominable pistolet de calibre 38mm (probable un .38 en VO, soit 0,38 pouce ou environ 9mm), c’est un détail mais c’est le genre de détail qui m’agace toujours. Et puis je n’ai pas pu m’empêcher de m’étonner d’une quasi-absence de scrupule du côté des scientifiques qui exploitent des gosses privés de tous liens avec l’humanité. Visiblement, ils ne sont pas étouffés par leur conscience. Enfin, le livre part un peu sur l’idée que le langage peut modeler l’univers/la réalité et c’est le genre d’hypothèse avec lequel j’ai beaucoup de mal. Ça ressemble beaucoup trop à de la pseudoscience/magie pour que j’arrive à y croire.
Cette lecture aura donc été un gros désastre pour moi. J’ai eu l’impression d’y trouver quelques-unes des pires erreurs qu’on puisse commettre avec un récit de SF. Ce livre a semble-t-il trouvé son lectorat mais je n’en fais pas partie.
L’enchâssement (The Embedding)
d’Ian Watson
traduit par Didier Pemerle
illustration de Manchu
éditions Le Bélial
349 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch
Alors là tu tues mon imaginaire de la sf, la signature de watson, gage de qualité, faudrait que je relise mon « dimensions sf calmann-lévy » le collègue « winter » gage aussi de considération est beaucoup moins sévère
vas tu essyaer d’autres Watson? Non c’est pas élémentaire
Vu que j’ai toujours un stock de bouquins à lire qui pèse quelques années de temps de lecture, je doute de trouver l’occasion de donner une seconde chance à Ian Watson. C’est sans doute dommage, mais la vie est trop courte et j’ai trop d’autres choses qui me font envie. 🙂