Toute bonne chose a une fin et toute trilogie a son dernier volume. C’est bien le cas de Northland qui se conclu avec Iron Winter. Après l’âge de pierre puis la fin de l’âge du bronze, quelle période historique couvre Stephen Baxter dans ce roman ?
On se retrouve environ deux mille cinq cents ans après Bronze Summer, soit l’équivalent de l’an mille trois cents dans notre monde. Etxelur est toujours une puissance dominante sur le continent européen et entretient des relations avec le reste du monde. Mais une menace d’un genre nouveau commence à se manifester : les hivers sont de plus en plus longs et rigoureux.
Le monde a encore bien évolué par rapport au volume précédent. Northland a toujours un rôle important sur le continent européen et sert même d’interface avec le continent américain. Mais l’on sent que les autres puissances continentales, principalement Hatti et Carthage, n’attendent qu’une chose : qu’Etxelur vacille pour s’imposer à la place. L’un des changements majeurs que propose l’auteur par rapport à notre monde à la même époque tient cependant du domaine technique : la machine à vapeur.
Un des trucs récurrents dans les uchronies, ce sont les personnages connus de chez nous qui réapparaissent, éventuellement avec un destin/rôle différent. Une part de moi trouve qu’il y a toujours un petit problème de cohérence à voir un Albert Einstein ou une Sarah Bernhardt dans un récit uchronique dont le point de divergence se trouve loin dans le passé par rapport à l’époque où on vécu ces figures historiques. Rationnellement, il me parait improbable qu’avec un changement un peu important l’inertie de l’histoire reste assez importante pour permettre à des gens ayant la même identité d’exister. Cependant, je suspens assez volontiers mon incrédulité si l’auteurice de l’uchronie en fait quelque chose d’intéressant. Et c’est justement le cas ici. Baxter réutilise quelques penseurs grecs de façon assez anecdotique pour que cela ne me choque pas, mais surtout il a su faire une utilisation que je trouve intelligente de la figure de Jésus, avec une vie qui ne se termine pas sur le Golgotha et une intégration par une autre religion en une forme de syncrétisme. Voilà qui me plait beaucoup. J’ai aussi apprécié la petite pirouette concernant la figure de Fabius Maximus. Dans l’univers que propose l’auteur, Carthage s’est imposée face à Rome pendant la deuxième guerre punique. Il semble qu’il ait clairement manqué à la cité latine un personnage comme Fabius Maximus. Or, on retrouve dans cet ouvrage un romain nommé Fabius qui emploiera la même stratégie de refus du combat que celle de Fabius Maximus, comme si ce dernier avait finalement vu jour dans ce monde, mais mille cinq cent ans plus tard que dans le notre.
Ce volume a des allures de fin du monde. Baxter nous montre comment les différentes civilisations tentent de faire face à ces hivers qui se rallongent, aux récoltes qui sont de plus en plus mauvaises, aux flux de populations venant de territoires déjà sinistrés, etc. Comme souvent avec lui, ça ne rigole pas trop à ce niveau et on voit bien tout le spectre des drames qui peuvent se jouer. J’y ai retrouvé un peu de son Déluge par cet aspect, notamment par le fait que certains états prennent des décisions aux conséquences extrêmement dramatiques.
Comme souvent chez Baxter on retrouve parmi les personnages quelques figures qui vivent essentiellement sur une obsession. On a aussi tout un tas de petites idées sur la façon dont les choses évoluent différemment sur le plan technologique. Et j’apprécie toujours de voir Baxter mettre en scène un personnage qui s’interroge sur le monde qui l’entoure et qui essaie d’en comprendre les mécanismes. Les chapitres sont généralement assez courts et l’auteur ne perd pas trop de temps dans des intrigues secondaires.
Avec Iron Winter, Stephen Baxter termine sa trilogie de façon assez cohérente avec ce qu’il a produit dans les deux premiers volumes. J’avoue que pendant une époque je n’étais pas convaincu que je lirai la trilogie Northland, tout comme la tétralogie Time’s Tapestry d’ailleurs. Je perçois tellement l’auteur comme un producteur de texte de hard science et de space-opera que j’éprouvais une réticence à me lancer dans ces deux séries. Et finalement, je ne regrette pas de l’avoir fait, dans un cas comme dans l’autre j’ai trouvé suffisamment de motifs de satisfaction pour ne pas regretter du tout ces lectures. Maintenant, il va falloir que je choisisse ma prochaine incursion dans l’œuvre de Baxter et ce n’est pas le choix qui manque. J’hésite principalement entre Anti-Ice, l’un de ses premiers romans, The Massacre of Mankind, une suite à La Guerre des mondes d’H. G. Wells, ou bien une nouvelle incursion dans l’univers des Xeelees avec le recueil Xeelee : Endurance.
Iron Winter
de Stephen Baxter
éditions Roc
504 pages (poche)
« Anti-glace » est très chouette dans le délire « steampunk de divertissement mais avec beaucoup de science derrière », même si un ou deux points m’ont fait hausser un sourcil (mais bon, je reste un filière L avant toute chose, donc la physique…). Dans la même vibe, on a récemment eu en France « Les temps ultramodernes » de Laurent Genefort, qui me donne pour ma part très envie.
Anti-ice est toujours dans ma pile « Baxter à lire », j’ai toujours un autre bouquin de sa plume à faire passer avant. Mais je vais peut-être finir par m’en occuper cette année, mais si c’est bien le cas, la chronique ne paraîtra probablement pas avant l’année prochaine (j’ai déjà trois Baxter à venir, vers la fin de l’été et un autre à chroniquer).
« Les temps ultramodernes », c’était très bien, je recommande vivement (et je dois en causer quelque part sur le blog). 🙂