Après deux premiers volumes qui m’avaient clairement convaincus par leurs qualités, je me suis évidemment occupé du troisième tome de la série Mondes en guerre. Un livre qui couvre essentiellement une période très étudiée dans l’histoire militaire et qui forme comme un pinacle de l’art militaire : les deux guerres mondiales.
Sous la direction d’André Loez, ce troisième opus est tout aussi épais que les deux précédents et tout aussi bien illustré à coups de cartes, de photos, tableaux… et le texte est encore une fois accompagné d’encart proposant un éclairage sur l’un ou l’autre point évoqué dans le corps du texte.
Les chapitres sont un peu moins nombreux et donc particulièrement épais. Le premier trace le cadre du système international de l’époque et comment se forme une sorte de système binaire avant la première guerre mondiale, avant que cela ne vole en éclat pendant l’entre-deux-guerres. Il est ensuite question de l’effet de l’industrialisation de la société sur la tactique et la stratégie, notamment du rôle grandissant de l’artillerie, de l’apparition de l’aviation, etc. Puis on parle massification des armées, mobilisation humaine et économique, économie d’occupation. Enfin, un chapitre aborde l’aspect colonial, d’une part les dernières guerres coloniales et leurs effets locaux et métropolitains et d’autre part la contribution de ces empires coloniaux aux conflits mondiaux.
La deuxième partie de l’ouvrage démarre en parlant des combattants, du vécu au combat, de l’effet physique et psychologique de ce dernier sur les combattants et de la difficulté pour ces derniers de se réadapter à la paix et la vie civile. On parle aussi de la vie des civiles, avec l’effet des privations, la militarisation du travail, la reconstruction post-conflit, la modification des rapports sociaux, etc. La question du genre est aussi abordée, de la modification des rapports entre hommes et femmes, pendant mais aussi après les conflits (souvent retour en arrière partiel sur les droits), des femmes en tant que victime de violences sexuels (et du caractère parfois systématique voire systémique de ces dernières) mais aussi comme combattantes, et enfin de transgression sur le genre. L’engagement personnel et idéologique a droit à son chapitre, notamment par le biais de la révolution bolchevique et de la mise en place des régimes fascistes. La paix et sa recherche, que ce soit par le pacifisme, mais aussi la mutinerie ou la désertion sont aussi abordés. Enfin, la représentation du conflit, que ce soit par le biais de l’art (photo, peinture, cinéma, sculpture, littérature…) ou le témoignage personnel mais aussi bien évidemment la question du contrôle de l’information et la propagande terminent cette deuxième partie.
La dernière partie évoque les victimes des conflits, à commencer par les civils qui deviennent une cible systématique, tant parce qu’ils sont l’arrière du système ennemi que parce qu’ils sont une menace en puissance en cas d’occupation. Les violences systémiques (génocide arménien, Shoah, camp de concentration, etc.) y sont aussi exposées. Un chapitre s’attache ensuite à parler de l’historiographie de ces violences et notamment la recherche d’une compréhension, d’un mécanisme menant à cette violence. Comment devient-on un bourreau, un criminel de guerre ? Enfin, l’ouvrage se conclut sur le droit lié à la guerre. De la convention de Genève aux procès de Nuremberg et Tokyo, la guerre est-elle une action soumise au droit ?
L’ouvrage est donc très riche de thématiques. On bien loin d’un simple enchaînement chronologique d’opérations militaires, de batailles et de conflits entourés d’un peu d’explication sur les causes et les effets géopolitiques. Ce volume symbolise vraiment bien l’idée que propose cette série : une compréhension de la guerre, à travers son histoire. Pas seulement des techniques et des gens concernés, mais aussi de ses causes et conséquences humaines, de ses rapports avec la composition des sociétés, de l’influence mutuelle sur l’économie d’une nation, etc. Les thématiques proposées sont nombreuses et vraiment variées et toutes sont traitées avec détails et un minimum de profondeur. Certes, sur tous les sujets proposés il y a moyen d’aller plus loin et c’est toute l’utilité de la bibliographie proposée en fin d’ouvrage.
Ce troisième volume ne m’a donc pas déçu du tout. L’ouvrage est aussi intéressant à lire et aussi beau à contempler que ses deux prédécesseurs. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que je lirai un jour le quatrième et dernier tome.
Mondes en guerre, tome 3, Guerres mondiales et impériales
ouvrage dirigé par André Loez
éditions Passés Composés / Ministère des Armées
xxx pages, plus notes, bibliographie et index (grand format)