Avant que je ne lise majoritairement de l’imaginaire, j’ai eu une période où je consommais pas mal de thrillers. Et il m’arrive encore à l’occasion d’en dévorer un. Mais pas forcément des nouveautés. En effet, j’aime aussi ressortir des vieilleries d’auteurs qui m’ont marqué et dont je n’ai pas encore tout lu. C’est par exemple le cas avec L’alternative du diable, un ouvrage de la fin des années 1970.
1982, un homme inconscient est repêché en Mer Noire, au large de la Turquie. Il s’agit d’un nationaliste ukrainien dont la rencontre avec un britannique va enclencher un processus pouvant mener à la confrontation ultime entre l’URSS et les États-Unis.
La première chose qui m’a épaté en commençant ce livre, c’est l’actualité de certains thèmes : la lutte d’ukrainiens contre la domination russe au sein de l’Union Soviétique. Lire ça alors que la guerre avait démarré en Ukraine quelques semaines auparavant m’a donné une étrange sensation. Et ça n’est pourtant pas étonnant, puisque la question de l’identité ukrainienne a été vivace pendant toute la période soviétique. La défaillance agricole est aussi une idée que j’ai trouvé très intéressante. Non seulement parce qu’elle est crédible en tant qu’événement mais aussi parce qu’elle représente une menace existentielle pour un état qui peut pousser à recourir à des solutions désespérées et néfastes.
Même si l’ouvrage est plutôt ancien dans la bibliographie de Forsyth, on voit bien qu’il déploie tout son art en terme de documentation, chose visible dès son premier roman. C’est détaillé, on a l’impression que tout nous est expliqué sur le fonctionnement des services de renseignements, des institutions politiques, etc. Bref, on croirait y être. On trouve aussi une capacité à mettre en parallèle différents fils narratifs qui vont se rejoindre plus ou moins tardivement, même si le rapport entre certains est tout sauf évident au départ. Sur ces deux points, je trouve vraiment que Forsyth a été un précurseur de Tom Clancy.
Bien que l’action se passe il y a une quarantaine d’années, je trouve que le livre se lit vraiment bien, alors que les éléments techniques et technologiques sont un ressort important de ce type de thriller. Je ne sais pas si c’est parce que j’arrive bien à intégrer le fait que le monde a beaucoup évolué en ce domaine ces dernières décennies, parce que j’ai connue cette époque et que je m’en souviens ou simplement parce que l’auteur a suffisamment de talent pour que ça ne constitue pas une gêne. Ou un peu des trois à la fois.
Bref, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman. C’est bien rythmé, très bien documenté, avec un empilement d’intrigue fort bien agencé. Et j’ai énormément apprécié certains retournements de situation que propose Forsyth. Si vous n’avez pas peur de plonger dans du thriller un peu à l’ancienne, faites-vous plaisir… enfin si vous arrivez à mettre la main sur cet ouvrage malheureusement plus trouvable en neuf depuis belle lurette.
L’alternative du diable (The Devil’s Alternative)
de Frederick Forsyth
traduit par Guy Casaril
éditions Le livre de poche
573 pages (poche)