Celleux qui connaissent un peu l’histoire du Japon ont très probablement entendu parler de la bataille de Sekigahara. Élément central de l’histoire du pays, marquant la frontière entre les guerres d’unification et l’ère Edo, l’événement fascine par son ampleur et ses conséquences. J’étais donc très content de voir un ouvrage sur le sujet paraître en français.
Les bons ouvrages historiques commencent toujours par une dose de contexte et celui-ci n’y déroge pas. Et c’est d’autant plus précieux que le contexte qui mène à cette bataille est complexe. Non seulement tout le monde n’est pas forcément au courant de l’historique du processus d’unification du pays qui voit se succéder Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu, mais en plus la situation qui mène à la bataille n’est pas l’affrontement de deux camps homogènes et stables.
L’auteur prend bien le temps d’expliquer, avec des exemples à l’appui, de la mécanique de vassalisation propre au Japon de la fin du 16e siècle. Les rapports entre les suzerains et leurs vassaux obéissent souvent à de complexes relations familiales et la trahison n’est pas forcément vu comme une chose infamante. Certaines situations proposées par l’historien mettent bien en évidence l’écheveau de relations souvent contradictoires qui conduisent à des événements parfois très dramatiques.
L’enchaînement des événements qui mènent à la bataille est bien retranscrit. On ne se perd pas trop entre les différents acteurs et on voit bien le trajet emprunté par les armées pour se diriger vers le champ de bataille. On bénéficie aussi de quelques pages sur plusieurs événements qui arrivent en amont ou en parallèle de la bataille et qui ont une influence sur son résultat. L’affrontement lui-même est bien décrit, avec la disposition des différentes forces, son déroulement chronologique avec les différents assauts, les pertes et les retournements de situation. Et on voit toute l’utilité du bon travail de contextualisation en amont lorsqu’arrive la trahison qui fait basculer la bataille. Cette dernière n’est alors pas surprenante et tout à fait logique.
Enfin, l’auteur présente les conséquences de la victoire du clan Tokugawa et son importance dans l’histoire du pays. Puis il fait un peu d’historiographie, le sujet ayant connu une image un peu variable au fil du temps. J’ai notamment apprécié son évocation de l’héritage culturel de cette bataille, notamment dans le cinéma japonais. L’ouvrage se conclut avec un ensemble de notes, un glossaire et une notice des personnages qui aideront beaucoup les gens ne connaissant pas trop les termes spécifiques à ce contexte, et une riche bibliographie. Il bénéficie aussi d’un cahier photos intéressant contenant notamment des cartes.
Bref, voici un livre que j’ai beaucoup apprécié et je pense qu’il intéressa sans problème celleux qui veulent en savoir plus sur ce moment charnière de l’histoire du Japon (et d’ici quelques jours il sera disponible au format poche).
Sekigahara
de Julien Peltier
éditions Passés Composés
280 pages (format moyen) 330 pages (poche)