Jean Lopez, rédacteur en chef de la revue Guerres & Histoire, s’est fait un peu une spécialité de casser les mythes et il a déjà dirigé plusieurs anthologies sur le sujet (deux volumes sur ceux de la Seconde Guerre Mondiale, un autre sur la Wehrmacht, etc.). Cette fois, il s’agit de s’intéresser à la Grande Armée et à la période napoléonienne. Pour l’occasion, il s’associe en tant qu’anthologiste avec Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet.
Ce sont donc vingt-trois mythes qui sont passés au crible au fil du livre. La liste est suffisamment longue pour proposer des domaines assez variés et dépasse largement le cadre des simples opérations militaires. Il y est question d’investissement dans la marine, du financement des campagnes militaires, du rapport entre l’Empereur et ses soldats, etc. On nous propose aussi un éclairage bienvenu sur ce qu’est une charge de cavalerie, un mythe encore très persistant de nos jours dans de nombreux films (y compris le Seigneur des Anneaux) et le combat à la baïonnette bénéficie du même traitement. Notons en passant qu’il s’agit de deux mythes qui ne sont pas propres à la période napoléonienne et qui mérite vraiment d’être régulièrement démonter tant ils imprègnent la fiction et l’imaginaire collectif. Enfin, on n’échappe pas à la question : Napoléon pouvait-il gagner à Waterloo et est-ce que cela aurait changé quelque chose ?
Dans l’ensemble, les textes sont de taille convenable : ni trop court, ni trop long. Chaque idée est présentée avant que sa fausseté ne soit démontrée. Vu la position des auteurs de certains textes, comme par exemple celle du co-anthologiste, on pourrait craindre que seuls les mythes négatifs soient remis en cause. Heureusement, il n’en est rien. Si l’ouvrage s’attaque bien à plusieurs idées « négatives » associées à Napoléon, d’autres clichés plus positifs sont passés aussi à la broyeuse et on voit un Bonaparte qui a su alimenter son image en occultant certains ratages ou en s’appropriant le génie de certaines victoires qui lui doivent assez peu. Un point qui permet de se rappeler que le premier promoteur de la légende Napoléon est Napoléon lui-même.
J’ai lu cette anthologie d’essai rapidement et avec intérêt. Je connaissais déjà l’aspect mythique de certaines choses mais j’en ai beaucoup appris sur le sujet. Chaque texte est accompagné d’une petite bibliographie et de quelques notes qui permettent de le compléter. Si l’approche « cassage de mythe » peut avoir un côté un peu marketing par moment, elle permet tout de même d’assembler avec cohérence une série de textes pas trop longs et qui se lisent avec intérêt.
Les mythes de la Grande Armée
anthologie dirigée par Thierry Lentz et Jean Lopez
éditions Perrin
440 pages (grand format)
Disponible en numérique chez 7switch