Ma lecture de la série Shadowmarch de Tad Williams s’est très bien passée jusqu’au troisième volume, Shadowrise. Il est donc temps de s’attaquer au quatrième et dernier volume : Shadowheart. Est-ce que tout ça mène à une fin satisfaisante ?
Après s’être dispersés aux quatre coins de la carte, les personnages avaient commencé à converger à nouveau dans le précédent roman. On les voit maintenant revenir tous vers Southmarch, point focal de toutes les attentions et lieu du dénouement des intrigues.
Je trouvais que Tad Williams gérait bien la convergence des fils narratifs dans le précédent volume et j’en ai la confirmation dans celui-ci. Tout vient s’emboîter, comme les pièces d’un bon puzzle. Les personnages se retrouvent, les mystères se dévoilent, les problèmes se résolvent (ou pas), etc. L’auteur maîtrise bien ce genre de mécanique. J’ai vraiment pris plaisir à voir ceci se réaliser.
La série contenait plusieurs énigmes et la solution nous est bien dévoilée dans ce dernier volume. Certaines choses prennent enfin un sens. L’auteur prend aussi le temps de plusieurs chapitres pour bien traiter des suites de la résolution du conflit entre Southmarch, les Qars et Hierosol. Ainsi, l’affrontement final arrive un nombre de pages conséquent avant la fin de l’ouvrage. Cependant, je trouve que Williams évite le syndrome du final interminable. Simplement, il est intéressant de voir que pour les personnages tout ne se fige pas à une victoire/défaite finale et un conflit demande souvent un peu de temps pour s’arrêter vraiment.
Ce volume est abondamment pourvu en action et en particulier en combat. La convergence des forces ne mène pas une belle bataille rangée en plaine qui résout tous. On est plutôt dans une situation de front continu, avec des assauts meurtriers. Et je trouve que l’auteur fait bien ressentir le caractère vital de la possible victoire pour les deux camps, l’acharnement que chacun met pour essayer de l’emporter.
J’ai apprécié la façon dont Williams met en scène les retrouvailles entre certains personnages. C’est un moment fort attendu par certains et qui peut se montrer décevant : l’autre a changé, iel a traversé des épreuves et n’est plus lea même. C’est une chose que j’ai déjà vu dans ses autres œuvres et je trouve qu’il utilise ça correctement. Je l’ai aussi vu mettre un fil narratif en place autour d’un mystérieux personnage dont on devine peut-être l’identité… mais sans être jamais certain. J’ai pris plaisir aussi à le voir disséminer quelques petites traitrises et lâchetés de bas-étage. Les trahisons qui font le plus mal ne sont pas toujours les plus flagrantes ou visibles et j’apprécie que l’auteur en use, tout comme il montre que certains personnages restent aveugles à l’ampleur des enjeux et restent focalisés sur leurs (petits) intérêts personnels. Williams sait bien manœuvrer et ça fait plaisir à lire.
Dans l’ensemble, j’ai bien aimé cette série. L’auteur a réussi à y insérer un petit côté conte de fée intéressant et j’ai beaucoup apprécié la vision des dieux qu’il propose. Tout comme dans l’Arcane des épées, il évite dans l’ensemble d’utiliser des termes un peu trop génériques comme elfes ou nains et donne des noms particuliers à chaque peuple. On reconnait certes quelques caractéristiques issues des clichés de fantasy : les Qars évoquent un peu les elfes, les Funderlings souterrains rappellent les nains, etc. mais ce ne sont ni des elfes, ni des nains. Williams leur crée bien une identité propre qui permet de les singulariser et de les éloigner des clichés du genre.
Est-ce que cette tétralogie aurait pu être un poil raccourcie ? Très probablement, comme c’est souvent le cas avec les séries de gros pavés. Cependant, je ne me suis jamais vraiment ennuyé et j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette série et à suivre le rythme parfois un peu lent, mais toujours agréable, de l’auteur.
Shadowheart
de Tad Williams
illustration de Todd Lockwood
éditions DAW
840 pages (poche)