J’ai parlé ici de nombreux ouvrages de Jean Lopez, dont un consacré à l’une des (nombreuses) batailles de Kharkov pendant la seconde guerre mondiale. Il s’agissait du premier titre d’une nouvelle collection consacrée aux batailles. Après la sortie de deux nouveaux titres, j’ai décidé de m’intéresser un peu à celui parlant de Verdun, qui est un peu la bataille mythique de la première guerre mondiale.
On retrouve un peu le même schéma que dans l’ouvrage de Jean Lopez : présentation générale de la bataille et pourquoi l’auteur écrit à son propos, contexte, forces en présence, plans des deux côtés, déroulement des opérations jusqu’à leur conclusion et aperçu de la suite des opérations. Là où cet ouvrage se distingue sensiblement de son prédécesseur, c’est sur la question mémorielle, bien plus importante pour Verdun que pour l’une des batailles les moins connues du front Est. L’auteur montrer bien de quelle façon s’est construit le mythe sur la bataille. On voit aussi la façon dont la ville de Verdun, qui n’a en fait pas vraiment connu les combats de cette bataille qui porte son nom, a tenté de s’en approprier la mémoire, pas forcément avec succès.
L’auteur cherche visiblement à casser un « mythe » sur cet événement : celui de la bataille destinée à saigner à blanc l’armée française. Si la recherche historique semble déjà revenu de cette idée depuis un moment, j’avoue être un peu curieux de savoir comment la chose est enseignée à l’heure actuelle. Personnellement, j’ai eu droit à ce façon mythe lors de mon passage au lycée, au milieu des années 1990, avec notamment la visite des lieux mémoriels classiques (chose courante à l’époque pour les lycéens du nord et de l’est de la France). Verdun est l’un des nombreux exemples de ces batailles pensées avec un objectif spécifique qui ne se réalisera pas et dont le déroulé va pousser les forces en présence à modifier leurs plans, leurs objectifs, etc. quitte à tenter de réécrire l’histoire a posteriori, au moins pour justifier l’échec ou se vanter d’une victoire que l’on a jamais vraiment remportée.
La présence d’un cahier de cartes couleurs au milieu de l’ouvrage est l’une des caractéristiques de cette collection et c’est vraiment bienvenue. Les lieux ont beau résonner dans la mémoire collective, tout le monde ne sait pas forcément où se trouve Douaumont et Vaux. Ces cartes se marient assez bien avec les explications de Bourlet sur les mouvements des deux armées, notamment les références régulières aux rives gauche et droite de la Meuse. Ce fleuve est, comme beaucoup de cours d’eau, un repère et un générateur de choix pendant cette bataille et l’auteur le met bien en avant.
On voit aussi bien les différences entre les deux armées. Non seulement dans leur situation au début de la bataille, mais aussi dans leur façon de gérer la situation, les changements dans la conduite des opérations, etc. Côté français, le choix de faire tourner les unités engagées dans la bataille a puissamment contribuer à en faire un objet mémoriel majeur pour les soldats français. Côté allemand, on voit que la gestion est bien différente et que l’état-major général allemand à d’autres soucis à gérer en parallèle : offensive alliée dans la Somme, offensive Broussilov sur le front Est (avec des conséquences catastrophiques pour les armées de l’Autriche-Hongrie). Bourlet met aussi en scène les tensions dans le commandement des deux côtés, chose qui aura des conséquences importantes pour la suite de la guerre puisque le haut-commandement français et allemand vont changer du fait, entre autres, de cette bataille.
Enfin, l’auteur a une attention particulière sur l’aspect aérien de la bataille. Car si les opérations terrestres ont été carrément mythifiées, c’est dans le champ aérien que cette bataille amène des changements notables et aux conséquences à long terme. Hasard du calendrier, à peine ai-je fini cet ouvrage que la chaîne Sur le champ proposait une vidéo qui traite justement de l’aspect aérien de la bataille et de la vision de l’avion comme un système d’arme. C’est très intéressant et je recommande vivement.
J’ai beaucoup apprécié la lecture de cet ouvrage, qui parlait d’une bataille que je croyais connaître alors que je n’y étais jamais particulièrement intéressé. Le format de l’ouvrage assure de bien couvrir le sujet sans trop se perdre dans le détail des opérations.
Verdun 1916
de Michaël Bourlet
éditions Perrin / Ministère des armées
308 pages, plus notes, annexes, bibliographie, index et cartes (format moyen)
Disponible en numérique chez 7switch