Il y a peu, j’ai parlé ici de La guerre des mondes, l’un des plus célèbres romans de H. G. Wells. Il se trouve que Stephen Baxter, auteur dont je parle régulièrement ici, a écrit une suite à ce roman. Je m’y suis donc naturellement intéressé.
Il s’est écoulé une dizaine d’années après la première incursion des martiens sur Terre, les humiliantes défaites qu’ils ont infligés à l’empire britannique et leur disparition sous l’effet de micro-organismes terrestres face auxquels ils étaient sans protection.
Ce n’est pas la première fois que Baxter se prête à cet exercice puisqu’il avait déjà livré, avec Les vaisseaux du temps, une suite à un autre roman d’H. G. Wells : La machine à explorer le temps. Et on sent bien qu’il a pris soin d’essayer de produire un récit un peu similaire au premier : récit à la première personne, une partie des événements sont rapportés par le point de vue d’autres personnages dont les propos ont été recueillis par la narratrice. Et cette narratrice n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit de Julie Elphinstone, l’un des rares personnages nommés dans le livre de Wells. Au moment des événements qu’elle rapporte dans son récit, elle est devenue l’ex-belle-soeur du narrateur de La guerre des mondes. L’écriture de ce dernier, qui ne nomme donc quasiment aucun protagoniste dans son récit, est régulièrement critiquée, tant par Julie que par les autres personnages croisés, notamment pour cette absence de nom.
Si le monde que décrivait Wells était très proche de celui de ses lecteurs, celui que propose Baxter nous est forcément un peu étranger. Non seulement par la distance historique, puisqu’un siècle sépare la parution de l’ouvrage de l’époque à laquelle l’action a lieu. Mais aussi parce qu’on est dans une trame uchronique. La première invasion des martiens a naturellement aiguillé le train de l’histoire vers une autre voie. Et l’auteur aime bien l’exercice consistant à proposer une évolution historique alternative. On sent donc qu’il s’intéresse à la façon dont cette première invasion a joué sur l’évolution du Royaume-Uni, son gouvernement, sa politique et par ricochet sur le reste de l’Europe et du monde. On constate notamment que le pays a suivi une pente l’amenant vers un régime politique plus strict, dans lequel l’idée d’opposition politique est vigoureusement déconseillée. C’est donc un nouveau monde que l’on découvre dans cet ouvrage.
Fort logiquement, les britanniques se sont préparés face à cette possible deuxième invasion, qui n’arrive donc pas comme une surprise complète. Cependant, les martiens ont eu aussi tiré quelques leçon de leur première tentative et sont équipés en conséquence. Les humains ne pourront plus se contenter de leur refiler la grippe pour s’en sortir.
Baxter a le soucis de quelques détails et on le voit en particulier dans la vision scientifique qu’il propose. L’univers n’obéit pas tout à fait aux lois qu’on lui connait, mais à celle que l’on avait établi au moment de la publication de l’ouvrage de Wells. Ainsi, on verra quelques références qui pourraient sembler incohérentes de notre point de vue mais qui pourtant faisait sens à l’époque. Comme il s’agit de Baxter, on n’échappe pas non plus à quelques références à l’évolution, thème qui irrigue une bonne partie de son œuvre.
Au final, voilà une suite dont on n’avait pas forcément besoin et un roman qui est loin d’être le plus intéressant de l’auteur. Cependant, j’en ai bien apprécié la lecture, notamment pour les petites piques envoyées au narrateur du classique de Wells et la description de ce monde alternatif (sa géopolitique, sa science, etc.). Bref, une curiosité que j’ai tout de même trouvé intéressante.
Le massacre de l’humanité (The Massacre of Mankind) in La Guerre des Mondes, suivi du Massacre de l’humanité
de Stephen Baxter
traduit par Laurent Queyssi
illustration de Benjamin Carré
éditions Bragelonne / Le livre de poche
672 pages (grand format) 1152 (poche)