Je suis un vieux fan de Star Wars, j’en ai déjà parlé un peu dans les chroniques concernant certains romans de l’univers étendu. Et comme beaucoup de relations, celle-ci est passée par différentes phases avec des hauts et des bas. Après une phase de creux, l’arrivée de nouvelles œuvres sous la bannière Disney a été une occasion de relancer cet attachement… avec un succès assez variable. J’ai été plutôt content de l’épisode 7 (avant de réviser mon jugement plus tard), j’ai beaucoup apprécié le 8 (malgré de nombreux défauts)… et j’ai soupiré à peu près tout le long du 9 (ni un bon Star Wars, ni un bon film tout court).
Ce dernier film a bien failli plomber une bonne fois pour toute ma relation avec cet univers. Heureusement, deux choses sont arrivées. D’abord le jeu vidéo Jedi : Fallen Order, qui m’a vraiment relancé sur le pan ludique de Star Wars. Ensuite, la série télé The Mandalorian. S’éloignant enfin un peu de la famille Skywalker et ne semblant pas avoir trop de prétention avec un côté « une semaine, un problème résolu », la première saison de cette série m’a beaucoup plu. Sans parler de Baby Yoda, belle réussite très attachante. Bref, ça repartait bien. Et ça a failli retourner dans le décor aussi sec. Au moins sur la partie télé/ciné.
Parce que la saison deux de The Mandalorian ne m’a pas laissé du tout le même goût en bouche. En se transformant en catalogue de bandes-annonces pour les prochaines productions Disney, au point que Jin devenait presque un personnage secondaire de sa propre série, le show a commencé à passablement m’agacer. Cette démarche était en plus mâtinée d’un fan service de plus en plus énervant, avec des apparitions de personnages déjà connus par certains fans, mais pas du reste du public et assez mal introduits à chaque fois. Et tout ça a culminé avec un dernier épisode à la résolution d’une paresse sans pareil : un retour de Luke en guise d’ex-machina lamentable, avec un Mark Hamill rajeunit numériquement. Bref, j’ai terminé tout ça très énervé et bien décidé à ne pas regarder les productions télévisuelles suivantes de cet univers.
Et les retours de diverses personnes de confiance sur la suite, que ce soit sur The Book of Boba Fett, Obi-Wan ou Ahsoka m’ont parfaitement convaincu que j’avais eu bien fait de ne pas m’infliger ces séries. Leur visionnage m’aurait vraiment énervé. (ce long prologue n’est pas vain, tout ça mène quelque part, au contraire de la postlogie anarchique produite par Disney)
Mais au milieu de tout ça, plusieurs interlocuteurs m’ont dit « tu devrais donner une chance à Andor, vu ce que tu penses du reste, il y a moyen que ça t’intéresse ». Et à force de voir cet avis répété, j’ai fini par me décider à m’intéresser à la chose.
Andor. L’une des toutes premières séries télé Star Wars annoncées par Disney. Une série dont j’avais déjà globalement décidé en amont que je ne voyais pas trop en quoi ça pourrait présenter un intérêt. J’avais trouvé Rogue One tout à fait sympathique à regarder au ciné… mais j’en ai ensuite rapidement oublié la majeure partie, à part la bataille finale, et j’ai carrément zappé le nom de tous les protagonistes tant ils sont dans l’ensemble soit des archétypes caricaturaux et/ou d’une épaisseur faisant passer le papier bible pour du carton triple cannelure. Le personnage d’Andor lui-même m’avait laissé l’impression d’un bon connard pas très sympathique. Et on allait nous vendre une série sur ce que ce type aurait accompli avant comme hauts-faits pour justifier son rôle important dans le film. Dans le genre bouche-trou d’univers étendu qui explore tous les instants perdus entre deux scènes des films principaux, ça se pose là. Et le genre de machin dont toute une partie des fandoms raffole. Bref, la série était déjà partie dans mes oubliettes personnelles avant même le désastre de la fin de la saison deux de The Mandalorian. Mais parfois, on écoute les bons conseils de gens de qualité et on leur fait confiance. Et on a sacrément raison de faire confiance.
Pour une fois, je ne vais pas trainer jusqu’à la conclusion pour donner un avis global. Andor est le meilleur Star Wars que j’ai vu (donc ciné & télé) depuis Le retour du Jedi. C’est meilleur que la prélogie, que la postlogie et que The Mandalorian. Cet avis évoluera peut-être dans les prochaines années mais je doute que la série redescende beaucoup dans mon panthéon personnel de cet univers. La deuxième (et dernière) saison sera peut-être moins bonne. Mais elle pourrait même être désastreuse sans rien retirer des qualités de cette première saison qui pourrait même se suffire à elle-même. Voyons maintenant un peu plus en détail, et assez longuement, tout ce que j’ai trouvé d’appréciable dans cette série, pourtant centrée sur un personnage dont je n’avais pas grand chose à faire initialement.
L’histoire commence par une affaire presque banale, dans les bas-fonds d’une planète quelconque, où une altercation avec des agents de sécurité tourne au drame. Les choses vont alors s’emballer petit à petit et l’affaire s’envenimer. Pas de grandes affaires galactiques, pas de bébé jedi à livrer, rien qu’un truc à peine plus qu’ordinaire. Star Wars par le bas, pour de vrai cette fois (dans The Mandalorian on sort un peu vite de cette perspective avec Baby Yoda, même si ça ne monte pas trop haut avant la saison deux). Et bien, ça fait plaisir de voir un truc qui change.
L’une des premières choses qui m’a frappé dès le premier épisode, c’est qu’il y a du monde. Alors pas des grandes foules de péplum à l’ancienne, mais plus que les trois figurants coincés entre les écrans led de The Mandalorian. Oui, parce que cette série a réussi à tourner, au moins en partie, avec des décors un peu étendus et en a profité pour utiliser plus de trois figurants à la fois. Ça se voit et ça fait du bien.
La saison est structurée en plusieurs arcs de deux ou trois épisodes pour la plupart, pour un total de douze épisodes. Et il y a une vraie différences entre ces arcs : changement de lieux, introduction de nouveaux personnages et surtout changement d’ambiance. On aura ainsi pêle-mêle du thriller d’espionnage, de l’ambiance carcérale, du film de casse, etc. Tout ça avec quand même des éléments qui relient le tout d’un bout à l’autre de la saison. Ainsi, le premier monde visité ne sera pas oublié et reviendra régulièrement sur le devant de la scène. J’ai trouvé ça fort bien organisé, on sent que l’ensemble a bien une structure qui est pensée en amont et c’est très agréable à voir.
Les personnages sont très intéressants et assez nombreux. Sur le premier épisode, la distribution est encore assez limitée, mais elle prend de l’ampleur dans les épisodes suivants, notamment à partir du deuxième arc. Ces protagonistes sont bien écrits, iels ont des buts, des motivations, une progression au fil de la série. Bref, iels donnent l’impression d’exister en dehors des scènes où iels apparaissent et ne sont pas de simples distributeurs de répliques. Je n’ai toujours pas une sympathie folle pour le personnage d’Andor, mais il ne m’est plus antipathique comme dans Rogue One et je le trouve vraiment intéressant. La série prend le temps de le faire évoluer et il ne passe pas en deux épisodes de « j’en ai rien à faire » à « je suis un rebelle ».
Si la série s’appelle Andor, elle fait aussi la part belle à Mon Mothma. La future dirigeante de l’Alliance Rebelle est un personnage qui a une présence dans l’univers étendu qui semble littéralement inversement proportionnelle à son importance dans l’organisation qui lutte contre l’Empire. En particulier son passé, qui était quasiment une terra incognita jusqu’ici. La série lui accorde donc une présence vraiment digne de ce nom. Par son intermédiaire, on suivra un peu les arcanes du pouvoir politique et les soucis grandissants qu’elle rencontre pour aider une rébellion en construction. Ses interactions avec Luthen en particulier sont intéressantes, avec deux visions à la fois opposées et complémentaires de ce que doit être cette rébellion.
La distribution de la série est vraiment magnifique. Diego Luna reprend le personnage principal dans lequel il se coule sans soucis. Genevieve O’Reilly retrouve la Mon Mothma qu’elle incarnait dans Rogue One mais aussi dans une scène coupée de La revanche des Siths et elle est parfaite. Stellan Skarsgård est magistral dans le rôle de Luthen avec sa duplicité. Denise Gough a l’air de ne rigoler que quand elle se pince les doigts dans une porte, Kyle Soller respire la frustration du petit chef coincé dans un système qui ne le reconnait pas à sa juste valeur… Tous les rôles, des premiers aux derniers, donnent l’impression d’être taillés pour leurs interprètes. Jusqu’à Fiona Shaw, que je connaissais jusqu’ici surtout pour avoir été la tante d’Harry Potter et qui ici a un beau et grand rôle, une Maarva fantastique qui restera longtemps dans ma mémoire. Sans oublier un petit droïde très touchant.
Un point notable est la façon dont certains personnages qui assument une double vie arrivent à paraître différents. En particulier Faye Marsay qui arrive à passer à la fois pour membre de la haute société de Coruscant et à une bergère des Highlands.
Andor est une série politique. Et à ce niveau, ça a un petit gout de retour aux sources. Si les premiers films Star Wars étaient des divertissements spectaculaires, il y avait aussi un fond politique derrière. Ce qui était encore plus visible dans la prélogie, avec son approche de « comment la démocratie meurt ». La postlogie ne me paraissait pas forcément très bien construite à ce niveau, notamment du fait de son absence de cohérence. Et les séries télé précédentes, qu’ils s’agissent de celle que j’ai vu ou des autres pour ce que j’en ai entendu et lu, ne sont pas trop allées tâter de ce terrain. Ici, c’est clairement une autre affaire. La série est politique, complètement, d’un bout à l’autre de cette première saison. C’est son propos central.
Andor montre comment l’oppression s’installe dans un système dictatorial. Pas de façon soudaine en basculant binairement d’un état à un autre, mais de façon progressive, par petites touches. Et c’est justement ça que le personnage principal pense pouvoir esquiver. Ces histoires de politique, de résistance face à l’Empire, etc. n’intéressent pas Cassian Andor. Il croit qu’il peut y échapper. La série montre le caractère illusoire de cette croyance. Et il y a même une grosse ironie à voir Andor se retrouver à un moment coincé par les rouages de la machine pour quelque chose qu’il n’a pas commis, alors qu’il a tant à cacher à côté.
Andor est une série vue par en bas, essentiellement par de petites gens, Mon Mothma étant probablement l’exception à ce niveau. Mais elle n’est jamais qu’une sénatrice un peu quelconque noyée dans un sénat en pleine perte d’influence. Pas d’Empereur, pas de Dark Vador, de jedi caché ou autre « grosse pointure » de l’univers Star Wars. Et je trouve ça très intéressant. Car si la série montre des gens ordinaires qui sont peu à peu écrasés par une machinerie oppressive, elle montre aussi que cette dernière ne serait rien sans tous ces petits rouages. Les dictatures fonctionnent avec des administrations, des forces de sécurité et autres entités composées de mille et un petits personnages dont l’aveuglement, les ambitions, la recherche de conformisme sont autant de mécanismes qui en font des outils au service d’un système oppressif. Le fascisme ne peut pas avoir de pouvoir sans cette multitude de petites mains qui toutes contribuent à son fonctionnement.
Cet aspect est aussi visible du côté rébellion. Il n’y a pas encore d’Alliance Rebelle, l’opposition à l’Empire n’est pas du tout structurée, quasiment rien ne fédère tous les groupes et individus engagés dans une lutte contre l’oppression. Et la série montre bien la grande diversité qui existe dans cette mosaïque. Toutes et tous n’ont pas les même objectifs, les mêmes idées sur les moyens à employer. Le niveau d’implication n’est pas le même pour tous. Les raisons de se battre non plus : vengeance pour la perte de proche, pur combat idéologique, etc. Il y a autant de profils qu’il y a d’individus engagés dans cette lutte. Et certains personnages montrent bien dans cette saison le niveau de sacrifice qu’iels sont capables d’accomplir pour faire avancer ce combat.
On voit bien et à plusieurs reprises comment une situation tendue peut basculer dans la violence et devenir incontrôlable. Notamment du point de vue des forces de l’ordre qui tente de maintenir une emprise sur les choses. Et qui n’y arrivent pas toujours.
Au final, je suis très agréablement surpris par la série sur ce plan et s’il y a bien un studio dont je n’attendais pas une production aussi politique, c’est bien Disney. C’est à se demander qui chez eux à louper le contrôle sur le projet et laisser le créateur, Tony Gilroy, en faire à sa tête.
Star Wars est un univers qui s’inspire de très nombreuses références, notamment historiques. Et sur ce point, Andor est une série très riche. Que ce soit en ce qui concerne les systèmes répressifs, où j’ai en particulier penser à l’ancien bloc soviétique et notamment à la RDA et à la Stasi. Ayant visité l’ancienne prison berlinoise de la Stasi, l’arc carcéral de la série m’y a clairement fait penser. On trouve aussi des éléments provenant clairement de l’histoire des luttes sociales, Ferrix ayant tout de la ville ouvrière/minière britannique du 19e siècle. La chaîne youtube L’histoire trouve toujours un chemin a consacré un très bon épisode à certaines de ses inspirations historiques.
Étant une série Star Wars, Andor se doit d’avoir une matière visuelle riche et belle. Et c’est clairement le cas. Ferrix est une magnifique ville ouvrière, comme dit juste au-dessus. Les autres mondes et villes visitées sont très bien représentés. Décors, costumes, accessoires, tout est là et a clairement fait l’objet de soins attentifs par les créateurices qui s’en sont occupés. Le travail sonore est aussi très bon. Les bruitages enrichissent bien l’ambiance. Et la musique est vraiment belle. Cela fait longtemps que je ne suis plus très sensible aux partitions musicales dans les séries et parfois même les films. Mais là, mon oreille a clairement été happée par certains passages de la partition de Nicholas Britell.
La série a aussi de beaux moments de mise en scène, certains plans sont vraiment bien filmés, ça ose parfois quelques mouvements de caméra bien pensés. Bref, il y a des moyens techniques et humains conséquents investis dedans, ils sont bien utilisés, ça se voit et ça fait plaisir.
Un univers riche et avec un fandom aussi important et exigeant que Star Wars est généralement l’occasion de faire du fan service. Et souvent de basculer trop facilement du côté obscur de ce dernier. Là encore, Andor a su agir en bonne intelligence. Certes, il y a des références à diverses petites choses qui pourront éventuellement parler à des fans très pointus, mais rien qui pourrait donner la sensation aux autres de louper quelque chose. L’un des reproches que je pourrai faire à d’autres productions Star Wars est d’abuser des guest stars. Et vas-y que je te colle un coup de Dark Vador, un passage de Luke Skywalker rajeuni, etc. Ça a souvent la subtilité d’un quadripode attaquant la base rebelle de Hoth et à force je fini par trouver ça lourdingue. Ici, on a aussi quelques personnages déjà croisés dans d’autres productions du même univers, mais on est clairement sur du troisième couteau, voire des personnages dont le nom n’est connu que parce qu’il apparait dans le générique final. Certes, on a le personnage éponyme et on croise un peu le Saw Gerrera de Rogue One, mais on ne peut pas dire que ce dernier soit un personnage très mis en avant dans ce film. Mon Mothma est aussi un personnage clef de cette série, pourtant elle doit cumuler quelque chose comme trois minutes maximum de présence à l’écran dans les films précédents. Et que dire de Yularen, un officier impérial que l’on croise bien dans Un nouvel espoir puisque c’est l’un des officiers aperçus dans la réunion à bord de l’Étoile Noire où Vador s’amuse à étrangler à distance l’un des participants. La série est clairement dans une économie à ce niveau, dont ferait bien de s’inspirer un peu les autres productions du même univers. On remarquera notamment qu’une partie notable de l’intrigue se passe sur Coruscant et qu’on n’y croise pourtant jamais Vador, Palpatine ou autre Tarkin.
Enfin, j’ai parlé plus haut de la qualité des interprètes qui habitent bien leurs personnages. Ces derniers sont servis par des dialogues qui par moment m’ont vraiment fait forte impression. La saison se paie le luxe de plusieurs tirades ou monologues qui m’ont profondément marqué et que j’ai revu plus d’une fois depuis que j’ai terminé mon visionnage.
Andor a donc été une très, très bonne surprise. La meilleure que j’ai vu en terme de production télévisuelle depuis un bon moment. Mon avis évoluera forcément à l’avenir, mais cette première saison ne pourra jamais trop descendre dans mon esprit tant je lui ai trouvé de qualité. Et moi qui revoit fort peu de choses, principalement par manque de temps, je n’hésiterai pas à regarder à nouveau les douze épisodes de cette première saison avant de voir la seconde lorsqu’elle sortira.
Andor – Saison 1
série américaine tournée en anglais
12 épisodes de 35 à 55 minutes chacun
Je conseille aussi l’épisode du podcast l’Outrider consacré à cette série