J’ai rajouté récemment fait ma première chronique de comics ici. Il est maintenant temps de passer à la bd franco-belge. Et je vais le faire avec une série assez récente (disons pas un vieux machin patrimonial comme je les affectionne), qu’il est parfaitement accessible aux enfants et que je viens de relire encore une fois. Je me propose d’en chroniquer directement le premier cycle de quatre volumes. Voici donc Frnck. Non, il n’y a pas de coquille dans ce titre, l’explication arrive un peu plus bas.
Franck est un jeune orphelin un peu turbulent et l’institution qui l’héberge a du mal à lui trouver une famille. Quand enfin des candidats à l’adoption non échaudés par les catastrophes qu’il déclenche se présente, la directrice en est très heureuse. Franck beaucoup moins. Au point qu’il décide de fuguer. Mais ça capacité à déclencher l’improbable transforme cette fugue en un voyage temporel qui le fait s’échouer en pleine préhistoire.
Dès les premières planches, la série pose le ton : humour, action et aussi émotion. Trois ingrédients qui seront toujours de la partie dans la suite de l’album et de la série.
L’humour se manifeste non seulement par des situations parfois incongrus, mais aussi par les répliques parfois piquantes de Franck ou de certains autres personnages. Franck joue beaucoup du décalage entre son vocabulaire et des concepts du vingt-et-unième siècle et la préhistoire. On trouve aussi des petites perles qui échappent aux protagonistes mais qui créent de sympathiques jeux de mots, dont certains ne seraient probablement par renié par Goscinny lui-même. Certaines situations me font toujours autant rigoler à la quatrième ou cinquième lecture.
L’action est récurrente. Franck n’a pas son pareil pour déclencher des catastrophes. Et de chutes en glissade, en passant par les courses-poursuites ou la bagarre, la série est assez riche et variée à ce niveau. La mise en page et le dessin de Brice Cossu sont très dynamiques dans ces moments. Les cases sont aussi régulièrement pleines de petits détails sympathiques. La mise en page propose parfois quelques pleines pages ou cases assez imposantes, mais seulement quand la situation et la narration le nécessitent. Le reste du temps, c’est assez riche dans chaque planche.
L’émotion n’est pas absente et parfois s’enchaînent assez rapidement avec les deux autres composantes dans des petits moments de montagnes russes. La situation que vit Franck est très difficile. Enfant d’une ère de la pizza, du net, des jeux sur smartphone, mais aussi de l’eau courante, des vaccins, de l’hygiène corporelle, du chauffage central, etc. il se retrouve projeté dans une époque où il manque littéralement de tout. De son époque d’origine ne lui reste qu’un couteau suisse et un smartphone, dont la batterie ne peut aller qu’en s’épuisant. Ce point donne lieu à une scène assez émouvante lorsqu’on arrive aux derniers pour cent d’énergie de l’engin. Franck est parfois mature mais nous rappelle aussi régulièrement qu’il reste un enfant perdu dans un monde dangereux et dont il a conscience qu’il ne peut pas s’échapper.
L’une des choses assez savoureuses de cette série, c’est de voir tout ce qui manque à Franck dans cette préhistoire. Et de le regarder essayer d’apporter des innovations à ces congénères de l’époque. A commencer par les voyelles. Car oui, les humains préhistoriques parlent en n’utilisant que des consonnes. Ceci donne un petit jeu au début de la série pour essayer de comprendre ce qu’iels disent. Et ça explique aussi le titre de la série. Heureusement, Franck leur apporte des voyelles pour rendre tout ça un peu plus digeste, même si on n’échappe pas de temps à autre à une petite rechute, notamment quand des personnages sont énervés ou stressés. La façon dont ces gens de la préhistoire s’approprient les innovations proposées est aussi amusantes, avec parfois un résultat qui n’est pas tout à fait celui attendu par Franck.
Si Franck est bien sûr au centre de la série, les autres personnages ont de la consistance et on s’attache facilement à certains d’entre eux. Kenza évidemment, qui accompagne Franck dans nombre de ses péripéties. Gérard, Justine et Gargouille, improbable famille de l’âge de pierre, souvent exaspérés par les idées que propose cet étrange garçon. Et aussi Léonard, avec son esprit parfois un peu en avance sur son temps.
Au niveau de la forme, outre le trait de Cossu qui s’adapte très bien au récit et est vraiment joli à voir, j’ai apprécié de trouver une série assez dense. Les albums de ce premier cycle sont sur un format cinquante-quatre planches, voire cinquante-six, sans donner l’impression de céder à une décompression parfois un peu trop présente dans certaines séries. Il se passe toujours beaucoup de choses dans chaque album, sans qu’on ait non plus l’impression d’étouffer sous le texte ou que les planches perdent en lisibilité.
Ce premier cycle de la série amène bien à une situation qui justifie le changement de cycle et aux les auteurs se permettent aussi de placer un événement qui donne envie de tout relire depuis le début pour revoir les choses d’un œil différent.
Frnck est une série dont la découverte, dans les pages du magazine Spirou, m’a fait grand plaisir. Je l’ai depuis repris en album et je ne manque pas la sortie de chaque épisode. C’est une série que j’aurai adoré découvrir quand j’étais enfant, en même temps que Yoko Tsuno, Valérian & Laureline, Papyrus, etc. Elle a tout pour me séduire à cette époque. Et même adulte, le charme a fonctionné à la perfection. Je l’ai lu et relu et je la relirai encore probablement de nombreuses fois.
Frnck, cycle 1
écrit par Olivier Bocquet
dessiné par Brice Cossu
colorisé par Yoann Guillo
éditions Dupuis
cycle de 4 albums de 54 ou 56 planches