The Starry Rift, dirigée par Jonathan Strahan

Après Infinity War, je fais une nouvelle pause dans cette série d’anthologies dirigées par Jonathan Strahan pour m’occuper d’une autre de ses antho : The Starry Rift, qui remonte à 2008.

A la suite de quelques réflexions intéressantes sur le fait de voir le monde changer radicalement au cours de la vie de l’auteur Jack Williamson, Strahan propose dans cette anthologie de présenter des textes qui retrouvent l’inspiration des textes des pulps parus plus d’un demi-siècle auparavant. Chaque texte est suivi d’une petite biographie de l’auteurice ainsi qu’un mot d’explication sur le texte, que ce soit l’origine de l’idée ou bien une extension sur les thématiques abordées.

Ce volume démarre donc avec une nouvelle de Scott Westerfeld, un auteur que j’avais déjà croisé sur un diptyque de space-opera. Dans Ass-Hat Magic Spider, l’auteur s’intéresse à la colonisation d’une exoplanète et au problème que peut représenter la masse. Déplacer un objet dans l’espace, l’accélérer et le ralentir demande une énergie qui est proportionnelle à sa masse. Le poids des gens que l’on décide d’envoyer sur une nouvelle planète peut donc être un critère de sélection drastique. Le texte est assez court et la conclusion un peu convenue, mais l’angoisse du personnage face à cette limite de masse est bien rendue.

On continue avec un texte de Ann Halam, que j’ai déjà lu et apprécié sous le nom de Gwyneth Jones. Dans Cheats, on suit une sœur et un frère qui jouent ensemble en explorant des univers virtuels. Jusqu’à ce que le comportement de certains autres joueurs finisse par attirer leur attention. Le récit va se poursuivre jusqu’à une chute que j’avais un peu vu venir… mais pas de cette façon-là. Et l’autrice en recolle une dose juste à la fin. J’ai bien aimé.

Avec Orange (même titre en VF, dans le recueil Signal d’alerte), Neil Gaiman propose un récit en forme de réponse à un interrogatoire. La forme est bien utilisée et on a effectivement pas vraiment besoin de lire les questions pour comprendre à quoi la narratrice répond. Tout ça en traçant une histoire d’imaginaire assez improbable.

Vient ensuite la première auteurice de l’antho que je n’avais encore jamais lu : Kelly Link. Dans The Surfer, elle nous raconte l’histoire d’un ado passionné de football et fuyant une pandémie. C’est vu à auteur de personnage, avec le dépaysement d’un réfugié dans un nouveau pays, un ado qui se recentre sur sa passion pour ne pas trop s’intéresser à ce sur quoi il n’a aucune prise. Et tout ça a bien un rapport avec un surfeur. Découverte très plaisante.

Je retrouve évidemment Stephen Baxter avec plaisir. Dans Repair Kit, on suit le capitaine d’un vaisseau qui doit expérimenter un nouveau modèle de propulseur et des petits soucis qui s’ensuivent. L’auteur prend son inspiration dans la SF à l’ancienne, avec un côté assez léger sur le plan technique (on est loin de certains de ses textes hard-science) et même un peu d’humour. Il revendique lui-même d’être inspiré par Robert Sheckley et j’avoue que la fin a un petit côté « mais… je… mais comment… » qui donne envie de se gratter le crâne en essayant de comprendre ce qu’il vient de se passer.

Autre auteurice que je découvre, Jeffrey Ford. Dans The Dismantled Invention of Fate (La démontable invention du destin en VF, dans le numéro 44 de la revue Bifrost) on suit le destin de deux personnages que l’existence a éloigné. L’écriture est bien mais j’ai eu du mal à me laisser porter par le récit. Il y a bien un début, un milieu et une fin, mais j’ai peiné à m’intéresser aux personnages et ce que ça racontait ne m’emballait pas franchement. Il n’y a rien de mauvais dedans, mais ça ne me correspond pas.

J’ai déjà croisé Cory Doctorow dans les anthos de Strahan, en plus de l’avoir un peu lu par ailleurs. Dans Anda’s Game, on suit une ado passionnée par les jeux en ligne et qui se voit proposer de rejoindre un groupe de joueuses légendaires. Je trouve que l’auteur a bien mêlé les deux thématiques qu’il veut utiliser avec une intrigue qui arrive à maintenir mon attention tout le long du récit. Quand on connait un peu le bonhomme, on n’est pas surpris de voir quelques éléments concernant l’économie dans les jeux en ligne. J’ai senti venir quelque chose, notamment du fait de la proximité du titre de la nouvelle avec un autre texte de SF bien plus connu, mais l’approche choisi par Doctorow, ainsi que la façon dont il conclut tout ça m’ont bien plu.

Je retrouve une autre habituée des anthos de Strahan : Kathleen Ann Goonan. Dans Sundiver Day, on suit une ado qui est plus passionnée par l’idée de pouvoir cloner des animaux que de pratiquer le piano, alors que son entourage semblerait préférer le contraire. Le texte pourrait sembler ne pas aller au bout de son propos, puisque la question du clonage très présente dedans n’est pas close, mais ce serait passer à côté de son véritable objet : le deuil. Et c’est une belle réussite.

Autre auteur déjà croisé ici et là dans des anthologies, Ian McDonald. Avec The Dust Assassin (L’assassin-poussière en VF, dans le recueil La petite déesse), on fait un tour du côté d’une Inde futuriste, où deux familles rivales se font la guerre pour le contrôle des ressources en eau. La nouvelle suit la fille de l’une de ces deux familles, à travers quelques événements marquants de son existence. L’ambiance est bien rendu par la plume de l’auteur, qui sème un peu partout du vocable local. Là aussi, j’ai un peu pressenti la fin de l’histoire, mais je n’avais pas vu venir la façon dont ceci allait se réaliser.

Alastair Reynolds est un autre de mes chouchous que j’apprécie toujours retrouver dans ces anthologies. Avec The Star Surgeon’s Apprentice, on part dans les étoiles où l’on suit un jeune prêt à s’embarquer dans le premier vaisseau venu pour fuir urgemment un problème. L’occasion d’apprendre un nouveau métier : chirurgien spatial. On a bien sûr un vaisseau qui ne peut naviguer plus rapidement que la lumière et dont les déplacements interstellaires se mesurent donc en années ; une habitude de l’auteur. J’ai bien aimé ce texte, qui réserve un peu de surprise et qui m’a un peu rappelé Vengeresse du même auteur.

Encore une nouvelle autrice avec Margo Lanagan. Dans An Honest Day’s Work, on suit un jeune homme qui se voit enfin proposer un peu de travail, malgré son handicap de naissance. On le suit alors pendant cette journée où il tente de faire de son mieux, dans un domaine d’activité un peu spécial. Le contexte que propose l’autrice est intéressant et le texte fonctionne plutôt bien.

Dans Lost Continent (Le continent perdu en VF dans le recueil Océanique), Greg Egan parle d’un jeune homme que son oncle fait évacuer de son village pour le protéger d’une politique discriminatoire. Le voyage a une destination peu ordinaire et ne se passe pas tout à fait comme pourrait si attendre le jeune homme. Dans ce texte, l’auteur est focalisé sur un sujet qui lui tient à cœur : les réfugiés et leur traitement. Le cadre est celui de la SF, avec une idée de voyage temporel, de discontinuité des lignes temporelles, etc. mais le cœur du récit est clairement la condition de réfugié. Et sur ce plan, je crois qu’Egan n’invente pas grand chose, ce qui ne rend son récit que plus marquant.

Changement d’ambiance avec encore un auteur déjà aperçu dans les anthos de Strahan. Avec Incomers, Paul McAuley écrit à nouveau dans l’univers de La guerre tranquille, un cadre qu’il avait déjà exploré dans la nouvelle parue dans Edge of Infinity. Mais cette fois, je trouve que ça fonctionne mieux. On suit des ados qui suspectent quelqu’un d’être un espion à la solde d’une puissance étrangère. Et qui vont donc faire quelques trucs pas forcément très malins. J’ai bien aimé ce texte. Son déroulé est assez classique et il n’y a rien de vraiment inattendu dedans, mais l’auteur représente bien ce groupe de jeunes avec des envies et des idées différentes sur leur sujet de quête. Et l’idée de fond me plait bien.

Nouvelle autrice pour moi avec Tricia Sullivan. Le début de Post-Ironic Stress Syndrome donne un peu l’impression que le personnage principal est embarqué dans un MMO en réalité virtuelle. Mais c’est un peu plus compliqué que ça. Je reste un peu sceptique sur certains aspects sf de la nouvelle, avec une incrédulité que j’avais un peu de mal à suspendre par moment. Mais j’ai bien aimé ce texte. Le ton m’a semblé juste et les personnages arrivent à porter l’ensemble et c’est largement suffisant.

Je n’ai croisé Garth Nix qu’une seule fois jusqu’ici, dans une autre antho Strahan, et ça c’était bien passé. C’est encore le cas avec Infestation, un texte qui parle de chasse aux vampires. C’est assez dynamique, l’approche plus ou moins SF du sujet marche bien et l’auteur ne dévoile pas toutes ses cartes trop rapidement. Bref, c’était très sympathique à lire.

On termine cette anthologie avec Pinocchio, un texte de Walter Jon Williams, un auteur que je connais plutôt sur la forme longue. On suit un jeune homme dont l’activité consiste à produire du contenu pour les réseaux, à partir de sa vie et de son groupe d’amis, en essayant de lancer des modes vestimentaires, musicales, etc. L’histoire se passe dans un futur où les possibilités techniques ont atteint un point où il est possible de changer de corps quasiment à volonté. L’auteur se concentre pas mal sur la personnalité de son protagoniste et la façon dont il part en vrille. La recherche perpétuelle de la nouveauté et la pression engendrée par l’audience ont un effet important, notamment quand cette dernière se met à décliner. L’auteur maîtrise bien son sujet et ça donne un texte qui se lit bien.

Au final, encore une anthologie bien sympathique dirigée par Jonathan Strahan. Si le texte de Jeffrey Ford ne m’a pas emballé, je n’y ai rien trouvé de mauvais. Pas non plus de pépite inoubliable, mais beaucoup de texte qui vont de sympathique à très agréable, avec des styles différents, beaucoup d’idées intéressantes et généralement des personnages qui nous accompagnent bien dans notre lecture. J’ai encore pas mal de volumes dirigés par l’anthologiste en stock et j’espère encore autant de plaisir de lecture.

The Starry Rift
anthologie dirigée par Jonathan Strahan
illustration de Stephan Martiniere
éditions Viking
530 pages (grand format)

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