Ayant peu parlé de comics jusqu’ici sur ce blog, je n’ai pas encore pu évoqué ma passion pour les séries écrites par Tom King. Non seulement j’ai beaucoup aimé son run sur Batman, mais je suis aussi impressionné par toutes les mini-séries que DC Comics l’a laissé écrire : Mister Miracle, Strange Adventures, Supergirl : Woman of Tomorrow, etc. La dernière en date que je lis est donc Danger Street, avec apparemment une idée de départ assez ambitieuse.
Quand on est un superhéros et qu’on ne fait pas partie de la Justice League mais que l’on ambitionne d’y arriver un jour, l’idée d’accomplir un exploit notable vient forcément en tête. C’est justement la voie que tente de suivre trois superhéros un poil méconnu. Mais les conséquences sont inattendues et potentiellement catastrophiques. En premier lieu pour des petites gens au mauvais endroit au mauvais moment.
Tom King a déjà eu plusieurs fois l’occasion d’exhumer des personnages un peu oubliés du catalogue DC. D’abord lorsqu’il était scénariste de Batman où l’on a pu voir revenir des méchants improbables comme Condiment King et surtout un développement du personnage de Kite-Man. Ensuite par l’intermédiaire de mini-série. Une première fois avec Mister Miracle et une seconde fois avec Strange Adventures. Certes, Scott Free et Adam Strange ne sont pas de complets inconnus mais on ne peut quand même pas les placer dans le top des personnages les plus connus, ni les plus utilisés.
Cette fois, l’auteur va carrément fouiller au fond des tiroirs oubliés et en exhume des protagonistes assez improbables. Il est allé chercher une série du milieu des années 1970 et intitulée 1st Issue Special dont le concept était d’introduire un nouveau personnage ou réintroduire un personnage un peu oublié dans chaque numéro et de lui laisser la possibilité de revenir plus tard, éventuellement dans sa propre série, en fonction des retours sur l’unique numéro qui l’introduit. Certains personnages sont réapparus par la suite, comme Metamorpho ou Manhunter. Mais la plupart des autres n’ont eu le droit de réapparaître que quelques fois en plusieurs décennies : The Green Team, The Dingbats of Danger Street, Lady Cop… King s’est donc fixé comme défi de construire un récit en douze numéros qui réussit à mettre en scène tous ces personnages en un ensemble cohérent.
Personnellement, je trouve que ça fonctionne. Que des personnages aussi improbables que les Dingbats de Danger Street croisent la route de Manhunter ou de Starman n’a finalement rien d’invraisemblable quand on a un peu l’habitude des comics de superhéros. Il y a surement eu bien plus improbable ou incohérent dans la longue production de l’éditeur.
Tom King a choisi une forme un peu particulière pour ce récit : en parallèle du déroulement de l’intrigue on a une narration par le casque de Dr. Fate sur le mode du conte de fée. Chaque personnage y est identifié à un archétype : Lady Cop est la Princess, Darkseid et Highfather sont des Dragons, le Creeper un Ogre etc. J’ai bien aimé cette dualité et cette narration accompagne très bien le découpage en douze numéros (initialement parus mensuellement, n’oublions pas cette spécificité des comics).
Visuellement, Jorge Fornés fait un bon travail. Tom King oblige, on retrouve évidemment le gaufrier en trois par trois ou en deux par quatre, notamment à chaque première et dernière planche de chaque numéro. Fornés s’en accommode très bien et il a aussi droit à plus de variétés à l’intérieur des numéros. On a même quelques splash pages, assez rares et plutôt efficaces. Dans l’ensemble, tout ça a bien ravi mes yeux. En particulier les couvertures des différents numéros avec quelques petits effets sympa sur les titres. Ma préférée étant sans conteste celle avec Darkseid et son bol de céréales. C’est la deuxième mini-série que Fornés réalise avec le scénariste, après Rorschach. J’ignore s’il y en aura une troisième, mais si ça arrive un jour je lirai bien sûr ça avec plaisir.
A propos des couvertures des numéros de la série, chaque numéro dispose d’une couverture alternative (visible dans la vo, je ne sais pas ce qu’il en est pour la vf) avec un illustrateurice différent à chaque fois. On y trouve de beaux noms et au milieu de tout ça s’est glissé une espèce d’intru. A savoir Tom King lui-même. Le scénariste s’est taillé lors des dédicaces la réputation d’un type incapable de tenir un crayon pour dessiner quoi que ce soit. Jamais en panne pour trouver un moyens de se faire un peu plus de sous, son éditeur a fini par lui confier un lot de quelques couvertures variantes à réaliser, dont une pour Danger Street. Les lecteurices n’auront aucun problème à repérer l’illustration en question.
Danger Street est une œuvre de son temps et ça se voit bien évidemment. Les inquiétudes et les espoirs de Tom King pour son pays transparaissent régulièrement dans son œuvre et cette série n’y échappe pas. On a notamment un présentation télé qui a clairement un air de Tucker Clarson dans son discours et que l’on voit prendre ses ordres auprès d’un milliardaire très préoccupé à répandre la haine de ceux qui sont différents. On constate aussi que le pognon pourri facilement les gens, notamment ceux qui ont déjà l’âme corrompue. Alors certes, ça n’est pas toujours fait d’une façon très subtile, mais on vit peut-être aussi une époque où la subtilité n’a plus toujours sa place face aux dangers qui nous menacent.
J’ai donc eu beaucoup de plaisir à lire cette mini-série. Fornés fait partie de ces artistes pour lesquels l’alchimie fonctionne bien avec King. Ce dernier arrive à construire un récit à partir d’un assemblage improbable de personnages. Et si l’histoire peut éventuellement faire sourciller à un moment ou deux, la narration rappelle régulièrement que l’on est dans un conte de fée. Personnellement, j’ai accepté le principe et ça passe bien.
Danger Street
écrit par Tom King
dessiné par Jorge Fornés
colorisé par Dave Stewart
lettré par Clayton Cowles
éditions DC Comics (en anglais) Urban Comics (en français)
2 volumes de 180-190 pages (en anglais) 1 volume de 370 pages (en français)