Invasion ! Le débarquement vécu par les allemands, de Benoît Rondeau

Benoît Rondeau fait partie des historiens dont je vois passer régulièrement les ouvrages sans en avoir encore lu un seul. Je parcours de temps en temps son blog, où il chronique de nombreux ouvrages historiques et produit aussi des articles. J’ai enfin franchi le pas en m’attaquant à un livre qui parle du débarquement, mais vu essentiellement du côté allemand.

L’auteur commence par un état des lieux des forces allemandes juste avant le débarquement. S’il s’intéresse à la répartition des effectifs et des moyens matériels, notamment les fameux panzers qui feront couler beaucoup d’encre, il parle d’un point qui me semble important et dont on verra l’impact plus d’une fois dans la suite de l’ouvrage : la structure du commandement. Car cette dernière n’est pas une pyramide bien ordonnée où chaque unité s’insère logiquement. Les querelles de chapelle, les perturbations régulières d’Hitler, etc. en font un outil près à se gripper au moindre problème.

On passe ensuite aux opérations proprement dites. La fenêtre temporelle couverte par l’ouvrage s’étend du 6 juin 1944 jusqu’à la fin de la bataille de Normandie, vers la fin du mois d’août. Si le D-Day a droit à une part importante des descriptions, le reste de la bataille n’est nullement négligé. Rondeau égrène toutes les opérations que tentent les alliés pour débloquer la situation, la plupart du temps avec un résultat assez décevant. Si la Wehrmacht tient bien le terrain, reculant peu à peu tout en infligeant des pertes et des déconvenues tant aux états-uniens qu’aux britanno-canadiens, on voit tout de même que cet exploit n’est accompli qu’en réorganisant en permanence les forces allemandes et en injectant des renforts régulièrement. Et tout ça a un prix : la perte de l’initiative. Les contre-attaques envisagées par les généraux ou exigées par Hitler sont nombreuses. Celles réellement menées sont très rares. Les allemands n’en ont très vite plus les moyens. On voit aussi les errances du haut-commandement, avec un Hitler qui se mêle de tout, parfois en ayant raison, parfois en ayant tort. On assiste aussi aux embouteillages et autres ratages de la logistique allemande qui est à la peine pendant toute la campagne.

Si l’auteur détaille les opérations, les mouvements des unités, etc. il n’oublie pas l’aspect humain. L’ouvrage est émaillé d’extraits de témoignages, des officiers supérieurs aux simples soldats. Ce qui permet de bien appréhender l’état d’esprit de ces derniers et de comprendre, un peu, leur vision de la situation.

Après les opérations, Rondeau se livre à une analyse globale, avec une comparaison des allemands avec leurs adversaires. On voit les avantages dont dispose chaque côté. Il montre notamment que si les allemands ont, au moins pour certaines unités, une excellence tactique indéniable, les alliés ne déméritent pas non plus à ce niveau. Les unités évoluent et s’adaptent.

Tout au long de l’ouvrage, on voit aussi que le haut-commandement allemand ne brille pas beaucoup. Non seulement, il y a les problèmes engendrés par la structure même de ce commandement, mais les généraux ont aussi deux autres problèmes. D’une part, les alliés eux-mêmes et notamment leur maîtrise quasi-totale de l’espace aérien qui leur permet de frapper un peu partout et qui va coûter la vie à plusieurs officiers généraux allemands. D’autre part, Hitler lui-même, qui en plus de court-circuiter régulièrement sa hiérarchie va aussi limoger ou mettre à l’écart plusieurs généraux pour des raisons de mésentente personnelle, sans parler du grand nettoyage suivant l’attentat contre sa personne du 20 juillet 1944.

Le livre dispose fort heureusement de son lot de cartes, ce qui permet à celleux qui ne connaissent pas ou mal la géographique de la Normandie de cette guerre de s’y retrouver. Notamment lors des bascules entre les parties du front tenues par les différentes composantes des alliés. L’ouvrage se termine avec quelques annexes.

Voici donc un livre dont j’ai beaucoup apprécié la lecture. L’auteur cadre bien son propos et l’illustre parfaitement. L’utilisation de nombreux extraits de témoignages de soldats et officiers allemands permet de bien saisir la façon dont les allemands ont vécu le débarquement et la bataille de Normandie. Mais l’auteur analyse aussi les combats, les différences tactiques, les errances stratégiques, le cauchemar logistique, etc. Bref, c’est riche et très intéressant. Je vais donc pouvoir sereinement m’intéresser au reste de la bibliographie de Benoît Rondeau.

Invasion ! Le débarquement vécu par les allemands
de Benoît Rondeau
éditions Tallandier
440 pages (poche)

disponible en numérique chez 7switch

Retour au sommaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *