Si j’achète certains livres parce qu’ils sont l’œuvre d’auteurices que j’apprécie déjà, pour d’autres la raison peut être bien différente. Il peut avoir été recommandé par quelqu’un d’autre, porter sur un thème qui m’intéresse ou… avoir une couverture signée Manchu. C’est le cas pour cet ouvrage de John Barnes, que j’ai fini par sortir de ma bibliothèque pour voir ce qu’il peut bien y avoir vraiment dedans.
Giraut Leones vit sur Nou Occitan, une planète où les humains qui se sont installés ont créé une culture inspirée de l’Occitanie. Une société qui est restée plus ou moins isolée des autres, du fait de la durée des voyages interstellaires. Mais la récente mise au point d’un système de portails permet maintenant de connecter les mondes humains les uns après les autres. Giraut va donc pouvoir aller explorer un autre monde et une autre culture.
Le récit est à la première personne et si la façon de raconter de Giraut n’est pas désagréable, le personnage lui-même donne envie de coller de bonnes paires de baffe au début. Produit d’une société machiste, son regard sur les femmes et notamment leur beauté a de quoi agacer un poil. La strate sociale à laquelle il appartient est aussi productrice de violence, avec même quelques tendances sadiques, obsédée par une conception de l’honneur qui pousse à provoquer en duel à tout bout de champ.
Heureusement, on ne passe pas tout le livre dans cette ambiance et c’est justement la confrontation avec un autre monde et une autre société qui va faire évoluer un peu le personnage et même lui faire prendre conscience du caractère néfaste de certaines de ses habitudes.
Cette évolution est d’autant plus intéressante qu’elle se fait au contact d’une civilisation qui semble plus raisonnable, mais qui montre tout même rapidement qu’elle a aussi de sacrés défauts, cachés par un culte religieux de la rationalité. Les scènes où certains personnages négocient la possibilité de réaliser telle ou telle entreprise en argumentant face à des intelligences artificielles qui tentent d’empêcher l’irrationnel de se glisser dans les actes humains sont plutôt sympathiques.
Comme souvent avec le principe des sociétés humaines installées sur des exoplanètes en s’inspirant de cultures spécifiques, je trouve que l’auteur force un peu le trait et je doute que dans chacun de ces microcosmes il y ait si peu d’éléments qui dévient des normes. Ceci dit, le récit est toujours du point de vue de Giraut et certains indices montrent qu’il existerait bien une marge de la société néo-occitane. La culture calédonienne lui étant moins connue, il est naturel qu’on en sache un peu moins de ce côté, même si là aussi on voit bien qu’il existe un mécanisme, assez dégueulasse, pour gérer une telle situation.
Le livre se lit plutôt bien et je ne savais pas trop comme l’auteur allait dérouler son récit. Certaines péripéties ne m’ont pas trop étonné, mais quelques retournements de situations ont tout de même apporté un peu de remous bienvenus.
J’ai trouvé que le choc des cultures est bien représenté. On voit clairement ce qui étonne les membres des deux sociétés qui se rencontrent, ce qui les intrigue ou les choque, etc. Cela permet aussi à l’auteur de sortir une ou deux pirouettes sur des éléments plus ou moins évidents pour certains personnages mais totalement inconnus d’autres, sans que cela semble trop artificiel.
Dans l’ensemble, j’ai passé un bon moment avec ce livre. Par moment, j’ai repensé à certains épisodes de Star Trek : Next Generation où l’on voit l’équipage découvrir une nouvelle culture avec certaines composantes qui leur semble un peu absurde. Une fois arrivé à la fin, j’aurai été éventuellement près à continuer le voyage, l’auteur ayant publié trois suites à ce roman. Mais aucune n’a été traduite en français et j’ai déjà trop de choses à lire en anglais. Tant pis.
Passerelles pour l’infini (A Million Open Doors)
de John Barnes
traduit par Michel Demuth
illustration de Manchu
éditions Le Livre de Poche
383 pages (poche)