Ayant fini de relire les six premiers romans de Joe Abercrombie dans son univers de La première loi, je peux enfin m’attaquer aux volumes suivants. En commençant par Double tranchant, un recueil de textes se passant dans le même univers.
Le recueil commence avec Un beau salopard, un texte pas très long qui parle notamment de Glotka et du moment où il va se porter volontaire pour la mission qui mènera à sa capture, sa captivité et sa déchéance physique et sociale. Ça se lit tranquillement et on retrouve toute la galerie de militaires plus préoccupés de défoncer leurs collègues que de s’intéresser à l’ennemi sur le champ de bataille.
Dans Un peu de gentillesse, on en apprend un peu plus sur la jeunesse de Severard, au service de Shev, une employeuse qui tente d’oublier un peu son passé de hors-la-loi et essaie de faire marcher son petit commerce. Comme souvent chez l’auteur, le passé refuse de laisser les gens tranquille et les ennuis retrouvent Shev. Mais est-ce que pour une fois, avoir fait preuve d’un peu de gentillesse ne pourrait-il pas payer ? Un texte pas très long et plaisant.
On retrouve ensuite Curnden Craw et sa bande, dans Une mission foireuse. Un texte qui mérite très vite son titre. Dans Les héros, on voyait que Craw avait un certain talent pour s’attirer les missions pourries et cette nouvelle montre bien qu’il avait déjà un certain passif dans ce domaine. J’ai eu plaisir à retrouver certains membres de sa bande et leurs interactions.
Dans Quitter la ville, on retrouve Shev, vue deux textes plus haut. La ville n’est pas la même que dans la nouvelle précédente, mais Shev va devoir aussi la quitter. Et sa comparse Javre n’y est pas forcément étrangère. On a encore une dose d’action raisonnable et ça se lit avec plaisir.
Temple fait partie des personnages principaux de Pays rouge et c’est lui que l’on retrouve dans L’enfer, où l’on va voir comment il arrive à s’extraire de celui de la Dagoska assiégée. Un épisode qui se passe donc au même moment que Haut et court. C’est moins chargé en combat, ce qui fait du bien au milieu du reste. Et j’ai eu plaisir à retrouver la figure de Kahdia le Haddish.
Retour sur Shev, avec une nouvelle péripétie en compagnie de Javre , dans Jamaix deux… Un texte où l’on croise la route d’un autre personnage déjà aperçu précédemment et que j’aime bien pour son côté cintré. Et on est bien servi en action.
On traine ensuite dans les coulisses de Servir froid avec la nouvelle Au mauvais endroit, au mauvais moment. Le texte est une série de trois vignettes mettant en scène des personnages qui croisent d’une façon ou d’une autre le chemin de Monza Murcatto et de sa bande et pas franchement à leur bénéfice. Un petit rappel que la vengeance de la mercenaire a broyé pas mal de monde sur sa route. Abercrombie fait assez bien rentrer dans la tête des personnes en quelques pages, avec leurs soucis et leurs espoirs.
Dans Sacrée hors-la-loi, c’est au tour de Farouche, l’une des protagonistes de Pays rouge, d’avoir droit à un petit texte pour elle. On la retrouve donc à l’époque, antérieure au roman, où elle œuvrait comme hors-la-loi et où les relations avec ses condisciples pouvaient être assez houleuse. Un texte avec une dose d’action et des personnages qui ont mal. Note : ce texte est déjà paru sous le titre Desperada et dans une autre traduction, au sein de l’anthologie Dangerous Women (l’éditeur ne s’est pas fait suer à chercher un titre français apparemment).
On multiplie les points de vue dans Hier, près d’un village nommé Barden… où il est question de l’escorte d’un convoi de ravitaillement de l’Union, quelque part dans le Nord, probablement avant l’action de Les héros. On y retrouve notamment Gorst, entouré de soldats qui tiennent plus du rebus que de la troupe d’élite. J’ai bien aimé que l’auteur montre à quel point le moindre plan peut s’écrouler dès la première seconde pour des raisons improbables. Il sait aussi rappeler que le monde n’est pas juste.
Et on reprend une dose de Shev et Javre avec … sans trois. Les années ont passées mais le duo trouve toujours moyen de se mettre dans les ennuis avec un certain talent. Si on a encore une petite dose d’action, l’auteur prend un tour un peu plus tortueux avec son intrigue et c’est plutôt plaisant.
Avec Liberté ! on côtoie l’intrigue de Pays rouge, puisque voici le récit que fait Brisépée, le biographe de Nicomo Cosca, d’un des événements du livre. C’est complètement grotesque, c’est boursouflé à souhait et c’est tout à fait dans la lignée de ce que le mercenaire souhaite comme éloge de la part de son hagiographe. Le texte m’a bien fait sourire, notamment par sa petite note finale.
Dans Les temps sont durs pour tout le monde, on suit le parcours d’un McGuffin que divers personnages vont se passer tout au long du récit. C’est bien fichu, les personnages sont introduits efficacement, le McGuffin ne végète pas trop entre les mains de l’un ou l’autre. On y croise brièvement plusieurs protagonistes aperçus ailleurs dans les textes de l’auteur. Et tout ça mène à une fin plaisante. Note : ce texte est reparu par la suite sous un titre légèrement modifié et dans une autre traduction, dans l’anthologie Vauriens.
Enfin, le recueil se termine avec J’ai créé un monstre, une nouvelle qui se passe à l’époque où Logen était au service de Bethod. On suit le point de vue de ce dernier, qui essaie de parvenir à ses fins, à savoir devenir roi du Nord, imposer la paix et permettre un développement de la région. Ce qui n’a déjà rien d’évident vu le profil des différents chefs du coin devient une véritable quadrature du cercle quand on a à son service quelqu’un comme Logen. C’est intéressant d’avoir le point de vue de celui qui est l’un des antagonistes de la trilogie La Première Loi.
J’ai bien aimé ce recueil. Si on a une bonne dose d’action, Abercrombie arrive à ne pas systématiquement en proposer, prenant parfois d’autres voies avec ses intrigues. Certains textes ont vraiment une allure de petit bonus pour lecteurices des romans cités plus haut, mais d’autres m’ont vraiment l’air de bien tenir par eux-mêmes. Voilà qui m’aura fait une dose « légère » de l’auteur avant de pouvoir me lancer dans sa trilogie suivante dans cet univers, L’âge de la folie.
Double tranchant (Sharp Ends)
de Joe Abercrombie
traduit par Juliette Parichet
illustration de Didier Graffet & Dave Senior
éditions Bragelonne
360 pages (grand format)
disponible en numérique chez 7switch