En imaginaire, je lis majoritairement des auteurices anglophones, un peu de francophones et pas grand chose issus d’autres langues. C’est donc toujours un petit événement personnel quand je me lance dans une lecture venant donc d’une autre culture. Cette fois, il s’agit de La Cybériade, un recueil de nouvelles de Stanilas Lem.
Le livre est donc un recueil de nouvelles, presque assemblées à la façon d’un fixup (ces « faux » romans composés à l’origine de nouvelles, comme Fondation ou Demain, les chiens). On y suit les aventures des deux robots, Trurl et Clapaucius, qui sont aussi des inventeurs capables de construire à peu près tout et n’importe quoi. On les voit donc aller de planète en planète et tenter de résoudre les problèmes, généralement en bricolant une machine. Et bien souvent, la résolution du problème n’est que le prélude à un nouvel obstacle.
Les deux protagonistes et la plupart des autres personnages sont des robots. Cependant, cette nature n’est pas évoquée en permanence et j’avoue que j’oubliais parfois que ce n’était pas des créatures de chair et de sang. Mais Lem gère bien cet aspect, en n’insistant pas directement sur leur nature mais plutôt par l’intermédiaire de détails, comme la rouille, etc. En tout cas, cet aspect mécanique de l’univers donne un cachet appréciable à l’œuvre.
J’ai beaucoup aimé l’univers dans lequel ont lieu ces récits. Il y a un aspect space opera old school, avec des vaisseaux qui se déplacent sans soucis d’un monde à l’autre en un temps qui parait court sans pour autant avoir quelque chose ressemblant vraiment à une propulsion supraluminique. On a parfois un personnage qui se promenant dans l’espace a reconnu quelqu’un à la surface d’une planète, etc. Bref, ça a vraiment quelques aspects propres à l’époque où ça a été écrit.
J’aime aussi les descriptions ou certains dialogues qui apportent des éléments enrichissants l’univers. Des passages qui arrivent à me donner la sensation qu’il existe plein d’autres choses dont on ne nous parle pas. J’avais la même impression en lisant La Terre mourante de Jack Vance, avec parfois des énumérations descriptives qui pourraient tomber complètement à plat et qui pourtant fonctionnent très bien avec moi.
Je ne sais pas du tout à quoi ressemble la plume de Stanilas Lem dans sa langue d’origine, mais grand merci à la traductrice qui a fait un énorme travail. Non seulement elle réussi à rendre bien tout un tas de termes inventés – et parfois improbables – qu’utilise l’auteur, mais en plus elle parvient à rimer pas mal de choses dans des passages où ça sonne vraiment bien. Bref, très beau travail, ça n’a pas du être de tout repos.
J’ai donc passé un très bon moment avec ce recueil vraiment amusant. Tant l’écriture que les personnages et les situations m’ont fait sourire plus d’une fois et en ces moments. Et en ce moment, vu l’état du monde et le gouffre vers lequel il se dirige à pleine vitesse, ça fait vraiment du bien. Le seul petit regret que je pourrai avoir, c’est que Lem semble avoir écrit par la suite trois autres textes avec ce sympathique duo et elles semblent n’avoir jamais été traduites en français.
La Cybériade (Cyberiada)
de Stanilas Lem
traduit par Dominique Sila
illustration de Tithi Luadthong
éditions Actes Sud
360 pages (poche)
disponible en numérique chez 7switch