J’ai parlé ici d’un gros ouvrage sur la révolution américaine, The Glorious Cause de Robert Middlekauff. Un livre très intéressant et détaillé mais qui a au moins un gros défaut : ne pas être disponible en français. Ce n’est pas le cas de l’ouvrage présenté ici et dont on va voir si le contenu est à la hauteur.
Les auteurices présentent dès le début l’un des éléments dont iels veulent parler dans cette ouvrage : l’importance de la contribution française à la victoire américaine lors de cette guerre d’indépendance. Et cet aspect est clairement développé dans l’ouvrage.
D’une part, on voit bien que certains des leaders américains comprennent assez rapidement qu’ils va leur falloir le soutien d’une puissance européenne pour arriver à s’émanciper de la tutelle britannique. D’autre part, certains sujets du roi de France essaient assez rapidement de fournir un minimum d’aide, ce qui sera tout sauf simple au début puisqu’il faut arriver à trouver tant les marchandises à expédier que les fonds pour les financer. Car cette aide française est d’abord matérielle : fusils, balles, poudre, canon, etc. Des éléments indispensables sans lesquels les insurgés ne pourraient lutter face aux troupes britanniques.
Puis cette aide s’élargit dans un deuxième temps à un envoi de troupes, d’officiers et enfin à l’engagement de la marine française. Ce qui s’avèrera décisif pour mener à la capitulation de Cornwallis à Yorktown et la reconnaissance de l’indépendance par Londres. Sur ces points, les auteurices présentent très bien leur propos.
Mais la guerre d’indépendance, et l’ouvrage, ne se limite pas à ces points. On voit aussi tout le chemin parcouru par l’armée continentale, pour passer d’un assemblage de miliciens disparates à une armée expérimentée et capable de tenir face au feu adverse. On nous détaille les opérations militaires menées un peu partout dans les colonies… et au-delà. Car une partie non négligeable du texte est consacrée à l’expédition canadienne. Les insurgés ont l’idée d’essayer d’étendre leur révolte aux terres plus au nord, convaincus que les colons locaux seront sensibles à leur argument. Ce sera une cruelle désillusion et une belle perte de précieuses ressources. L’armée continentale n’accumulent clairement pas que les réussites et Cyr et Muffat ne nous épargnent pas grand chose des loupés de ces indépendantistes.
On nous explique bien sûr comment on en est arrivé là. Non seulement la revendication « pas de taxation sans représentation » que le roman national états-unien a imposé comme cause de cette rébellion contre un « prince tyrannique ». Car la question n’est pas tant la représentation de l’ensemble des habitants des colonies que celle de ses principaux marchands, qui souhaitent se passer de la métropole comme partenaire unique et pouvoir commercer librement (et donc s’enrichir) avec les colonies des autres puissances. La liberté recherchée concerne déjà moins les autres hommes blancs des colonies. Quand aux femmes et aux esclaves, ils sont quasiment absents de ces revendications. L’autre motivation, plutôt cachée par la légende, est l’extension vers l’Ouest. Car la couronne britannique y a fixé des limites alors que les colons veulent pouvoir s’installer dans les terres acquises suite à la guerre de Sept Ans (et en chasser les populations natives).
Les auteurices parlent aussi des problèmes de commandement, valable des deux côtés. Chez les insurgents, la construction d’une autorité politique et militaire passe par de nombreux remouds. Si la figure de George Washington arrive à s’imposer relativement aisément, c’est un joyeux bazar en-dessous. Les futurs États-Unis tentent de se construire une armée à partir de cadres civils tout en étant pas toujours bien soutenu par le pouvoir civil, ce qui posa pas mal de soucis : solde, ravitaillement, équipement, etc. On retrouvera légèrement certains de ces soucis au début de la guerre de Sécession. En face, les soucis sont aussi bien présents. Les différents commandants britanniques ne sont pas toujours dans une logique de coopération entre eux. De plus, ils peinent à comprendre ce à quoi ils ont à faire. Une incompréhension qui dépasse largement le cadre militaire, puisque le pouvoir politique a sa part de responsabilité dans le déclenchement des opérations, en choisissant à plusieurs reprises l’option la plus à même d’aggraver la situation.
Voici donc un livre très intéressant. Si dans l’ensemble les auteurices explorent plus la dimension militaire du conflit, avec les commandants, les forces disponibles, les opérations, etc. iels n’oublient pas sa dimension politique, notamment la partie diplomatique. Le texte se lit bien, sans difficulté particulière. Par contre, je trouve que si les cartes sont bonnes, elles sont mal placées. Par exemple, celle concernant l’expédition canadienne se trouve un ou deux chapitres trop tôt. C’est un défaut mineur pour un ouvrage qui défend très bien sa thèse : l’importance de la contribution française à la victoire américaine dans ce conflit.

La guerre d’indépendance américaine
de Pascal Cyr & Sophie Muffat
éditions Passés Composés
454 pages, plus notes, bibliographie et annexes (grand format)