Il y a quelques temps, j’ai parlé ici d’un roman de John Barnes, un space opera où il était question de voyage d’une culture planétaire à l’autre. J’avais un autre livre de l’auteur en stock et je me suis décidé à m’en occuper aussi. Cette fois, on est nettement plus proche du présent, puisque le récit se passe en 2028, pour un texte publié en 1994.
2028. Des embrouilles internationales finissent par conduire à une frappe nucléaire dans l’océan arctique. Ce qui va avoir un effet inattendu en terme de climat.
Le livre est vraiment épais et aurait probablement gagné à une petite cure d’amaigrissement. On suit pas mal de point de vue, mais là aussi on aurait peut-être pu faire un peu d’économie. Cependant, l’écriture fait que ça se lit assez rapidement. Certains des protagonistes étaient sympa à suivre, alors que d’autres donnaient envie de leur coller des baffes. Il y a même un chef d’entreprise que j’aurais volontiers balancer par la fenêtre et si possible de très, très haut.
Le futur climatique que décrit l’auteur n’est aucunement rassurant, même si vu l’ampleur de la catastrophe qu’il décrit, on peut toujours se dire sans trop se forcer que ça ne devrait pas atteindre un tel niveau. C’est un peu comme avec le Déluge de Stephen Baxter : la destruction se fait sur une telle échelle que l’on peut facilement interposer un peu d’incrédulité entre le récit et ce que pourrait nous réserver l’avenir. Il reste tout de même des scènes de dévastation assez impressionnante.
La grande innovation technologique que met en scène Barnes est la XV, une sorte de réalité virtuelle qui permet surtout de se plonger dans le point de vue et les émotions des interprètes. Une forme de média qui est bien évidemment utiliser à des fins pornographiques, un aspect que l’auteur développe pas mal. A ce sujet, le livre contient quelques passages mettant en scène des violences sexuelles qui pourraient mériter un trigger warning. Ce que j’ai trouvé intéressant sur cette techno qui parait encore aujourd’hui un peu improbable, c’est l’usage qui peut en être fait en terme de contrôle ou de manipulation des foules.
Une des choses parfois amusantes dans les livres de SF écrit il y a un moment et dont l’action se passe dans un futur qui est devenu proche, voire présent ou carrément passé, c’est de regarder comment l’auteurice envisage l’évolution du monde, notamment au plan géopolitique. Et ici, il y a deux-trois aspects sur lesquels c’est franchement en décalage avec notre réalité.
Un autre point où l’auteur s’est probablement un peu emballé, c’est au niveau des réseaux informatiques et des capacités de calcul. On a certes aujourd’hui atteint un niveau de connexion élevé et les centres de calculs disposent de capacités qui semblent proprement faramineuses. Et il nous reste trois ans pour « rejoindre » ce futur fictif. Cependant, je doute qu’on atteigne le niveau représenté. Et ce ne serait pas plus mal, tant la sécurité informatique semble être devenue une vaste blague dans ce futur où apparemment personne n’est foutu de maintenir une connexion un minimum cryptée entre deux interlocuteurs. Ce qui provoque des fuites d’information assez incroyables.
Petit détail un peu agaçant : dans ce futur, les États-Unis sont dirigés par une femme, pourtant elle est systématiquement désignée comme étant « le président ». La fonction n’est pas désignée une seule fois au féminin dans la traduction française. C’est franchement dommage.
Bref, il y a à boire et à manger dans ce bouquin. Je pense que ça aurait mérité d’être un peu allégé et certaines idées sont parfois un peu ridicules. Cependant, on a des scènes assez fortes au niveau du désastre climatique, des explications techniques sur les cyclones très intéressantes et certaines des idées poussées par l’auteur amènent des développements intéressants.

La mère des tempêtes (Mother of Storms)
de John Barnes
traduit par Jean-Daniel Brèque
illustration de Manchu
éditions Le livre de poche
702 pages (poche)