Vikings dans la brume – 1, de Lupano et Ohazar

Ma femme m’ayant un peu sensibiliser aux qualités de scénariste de Wilfrid Lupano, son nom attire parfois mon ailleurs dans les sorties à venir. C’est ainsi que j’ai repéré, il y a un peu plus de trois ans, un album intitulé Vikings dans la brume. Le titre me laissant supposer quelque chose d’humoristique, j’étais très curieux de voir de quoi il retournait. J’ai été conquis. A l’occasion de la sortie du troisième volume de cette série, je me suis autorisé une relecture des deux premiers. On commence donc par le commencement.

Reidolf est chef viking et il repart en expédition avec son équipage. Cette fois, il emmène son fils ainé pour l’initier aux joies de la navigation (quand on n’est pas noyé par les tempêtes), les plaisirs du pillage (quand il reste quelque chose à pouiller), l’exaltation de la bataille (quand on ne butte pas sur une forteresse imprenable). Bref, tout ce qui fait le sel de la vie d’un viking et aussi tout ce qui ne marche pas.

La série se présente sous forme de petits gags d’une demi-planche qui suivent le schéma bien huilé « situation de départ, progression, chute humoristique. » Les gags forment une intrigue plus globale qui progresse au fur et à mesure de l’album, avec un regroupement en six « livres ». On commence donc par le départ de l’équipage de Reidolf et on finit par son retour au pays. Entre deux, on assiste à toute une série de péripéties plus ou moins glorieuses, et plus souvent moins que plus. En parallèle, on a aussi quelques aperçus de la vie des femmes restées à domicile, qui contrastent fortement avec les aspirations de leurs époux.

J’ai beaucoup aimé cette série à ma première lecture et ça passe toujours aussi bien au troisième tour (j’avais déjà relu une fois ce premier volume lors de la sortie du deuxième). Je trouve qu’il y a une certaine finesse dans la présentation du sujet. On a des ficelles classiques un peu grosse : Reidolf est un bourrin, son fils pas franchement taillé pour le métier, sa femme qui soupire devant les « souvenirs » que lui ramène son mari, etc. Mais ça ne tire jamais trop fort sur ces ficelles. Et puis on a de bons effets qui se construisent petit à petit au fil des gags, du fait de la continuité. On a même un gag qui est armé à un moment et dont l’effet ne se déclenche que douze pages plus loin. On a aussi des situations qui se retournent avec un poil de subtilité.

Le traitement du contexte historique fait par les auteurs est intéressant. L’ère de Reidolf est celle d’un christianisation des pays nordiques. Lui et ses hommes sont encore polythéistes, mais leurs femmes sont clairement intéressées par la foi chrétienne. On voit aussi des éléments d’intrigues autour d’une alliance passée avec une puissance européenne que les vikings venaient piller. Au niveau des détails, on échappe fort heureusement au casque à corne et du peu que je connais des civilisations nordiques de l’époque, je n’ai rien vu de particulièrement choquant apparaître, à part pour produire un effet particulier sur un gag.

J’aime bien le graphique de cette série. Les personnages se distinguent bien les uns des autres et on perçoit facilement leur humeur. La mer a parfois l’air plus grande que nature (et on a une petite allusion à la Grande vague de Kanagawa d’Hokusai). Ohazar utilise bien le format en demi-planche.

Une série humoristique sur les vikings dans un format proche du comic strip, j’ai évidemment penser à Hägar Dünor, une série que j’aime beaucoup. Et il est difficile de résister à la tentation de la comparaison. Cependant, les deux séries ne concourent pas tout à fait dans la même catégorie. Hägar Dünor est très centrée sur la vie quotidienne et familiale de son héros. Les activités typiques de viking apparaissent régulièrement comme on montrerait la vie de bureau d’un type qui y part tous les matins et revient chez lui tous les soirs. Dans la présente série, on est clairement sur un récit plus pensé sur la longueur, sur une seule expédition mais avec des rebondissements. On a d’autres différences, notamment en terme de réalisme de la représentation. Bref, je trouve que Vikings dans la brume a plus une approche d’humour historique, alors qu’Hägar Dünor ressemble plus à une sorte de comédie familiale placée dans un contexte historique particulier. Bref, il n’y a pour moi pas vraiment de raison d’opposer ces deux séries et je serai totalement incapable de choisir si je ne devais en garder qu’une seule. Il est plus que probable que les créateurs de cette série connaissent Hägar Dünor mais ils ont décidé de revoir l’équation vikings + humour avec une autre approche et le résultat est, pour moi, très satisfaisant.

A la troisième lecture je prends encore bien du plaisir à lire ce premier volume, qui pose facilement les bases de son univers et parvient, en gags d’une demi-planche, à porter un récit cohérent et maîtrisé. L’histoire arrive à une fin pour son intrigue mais Reidolf et son équipage avaient bien d’autres aventures à vivre. Ce qui a donc mené à la publication d’un deuxième volume, que je vais me faire le plaisir de relire, et en parler prochainement ici.

Vikings dans la brume – tome 1
écrit par Wilfrid Lupano
dessiné par Ohazar
éditions Dargaud
62 planches

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