Imperator, de Mary Beard

Il y a quelques années, j’ai lu un très bon livre sur l’histoire de Rome : S.P.Q.R. de Mary Beard. Aussi, lorsque l’historienne publia un nouvel ouvrage, cet fois consacré à la figure de l’empereur romain, je n’ai pas trop hésité à l’intégré dans ma pile-à-lire

En introduction, l’autrice explique son objectif : faire le portrait non pas des différents personnages qui se sont succéder à la tête de l’empire romain mais le portrait de l’empereur, en tant que figure. Elle précise aussi le périmètre chronologique de son étude : du règne d’Auguste (en débordant un peu sur la période Jules César) jusqu’à celui d’Alexandre Sévère, soit environ deux siècles et demi.

Le sujet est très largement couvert : les repas, les palais, la succession, la représentation notamment statuaire, la cour, les loisirs, les voyages… Il semble que pas un aspect de la vie de l’empereur romain ne nous est présenté et décortiqué.

J’ai beaucoup aimé l’approche de Mary Beard. Elle détaille ce que l’on sait mais aussi tout ce que l’on ne sait. Et si le niveau de connaissance que l’on a est très variable en fonction des sujets, elle explique aussi ces différences. Au niveau des sources, elle rappelle aussi régulièrement l’importance d’un regard critique sur ce qu’elles disent, tout en montrant que l’on peut en tirer des informations. Par exemple, si Caligula ou Néron sont passés à la postérité comme des tyrans sanguinaires voire de véritables frappadingues, ce n’est pas forcément un reflet de la réalité de leur règne puisque les sources que nous avons sont surtout le fait d’individus écrivant postérieurement pour justifier la disparition de ces souverains et leur remplacement par d’autres. Mais les portraits, très probablement caricaturaux, qu’ils tracent de ces deux personnages nous permet de se faire une idée de ce à quoi devait ressembler un « bon » empereur pour les rédacteurs de ces sources. Bref, même quand les sources sont sujette à une caution très prudente, elles nous disent toujours quelque chose d’intéressant.

L’autrice rappelle aussi les zones de flou, voire d’ignorance, à propos de l’empereur et de son temps. On voit ainsi que l’on ignore aujourd’hui la fonction de la plupart des pièces dans ce qu’il reste de palais impériaux, quoi qu’en prétendent les divers guides touristiques. Il ne nous reste pas de plan, d’instructions de constructions ou autre, au contraire de palais plus récents. On en est donc réduit aux supputations. Et sur un bâtiment comptant des dizaines de pièces et où vivaient et travaillaient au moins autant d’individus, ça laisse une infinité de possibilités.

Ces rappels constants de la réalité de la recherche historique m’ont plu et me paraissent importants. Beard montre aussi qu’on peut malgré tout apprendre beaucoup de choses passionnante tout en ayant des doutes, des lacunes, etc. Je trouve donc que l’ouvrage, outre son intérêt évident par tout ce qu’il apporte sur la figure de l’empereur romain, est aussi un bon outil de compréhension de la démarche historique et de son attrait.

L’ouvrage dispose d’un cahier d’illustration couleurs, ainsi que de plus d’une centaines d’illustration en noir et blanc qui émaillent tout le texte. L’autrice propose aussi à la fin une bibliographie très commentée, accompagnée de nombreuses suggestions de lieux à visiter pour prolonger l’exploration du sujet. Une très belle initiative.

Ce livre est assez épais et son contenu est à la hauteur de son volume. C’est riche, c’est varié, c’est passionnant. Et j’ai lu tout ça en dégustant chaque page. Je vous recommande donc vivement l’ouvrage si vous êtes ne serait-ce qu’un peu intéressé par le sujet ou la période.

Imperator (Imperator)
de Mary Beard
traduit par Souad Degachi & Maxime Shelledy
éditions Seuil
520 pages (grand format)

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