Von Rundstedt, de Laurent Schang

Dans la pile, plus ou moins importante, de bibliographies que j’ai en stock, il y en a une de Gerd von Rundsted (note : je me suis planté au moins deux fois sur son orthographe pendant la rédaction de cette chronique). Bien que son nom soit loin d’être obscur, il arrive généralement après plusieurs autres quand on évoque les généraux allemands de la seconde guerre mondiale : Rommel, von Manstein, Guderian… Et au contraire de ceux que je viens de nommer, il n’a pas forcément laisser le souvenir d’une légende particulière.

L’ouvrage commence par la fin, avec l’enterrement de von Rundstedt. Cette introduction résume ensuite sa vie post-seconde guerre mondiale. Puis on repart au début du film et on suit son parcours chronologiquement, de son enfance dans une famille de l’aristocratie prussienne jusqu’à sa capture à la fin de la seconde guerre mondiale.

La partie sur l’enfance est assez réduite, par manque de source, et commence à prendre de la consistance quand le jeune Gerd entre à douze ans dans une école militaire. Fils ainé d’un militaire, issu d’une longue lignée de noblesse, on ne peut pas vraiment dire qu’il ait eu le choix de sa carrière. On voit von Rundstedt faire son apprentissage puis débuter sa carrière d’officier.

La première guerre mondiale va évidemment donner un sérieux coup de boost à sa carrière. Commençant la guerre sur le front Ouest, il bascule ensuite sur le front Est et se fait bien remarquer pour ses talents militaires, qui lui permettent de finir la guerre en ayant bien entamé son ascension des échelons militaires. Si la république de Weimar est une période de vache maigre pour l’armée allemande, l’officier continue tranquillement sa carrière et son ascension. L’arrivée des nazis au pouvoir ne ralentit pas les choses : les effectifs de l’armée explosent et il faut gérer cette montée en puissance. Les relations avec les nazis et en particulier Hitler ne sont pas simples pour von Rundstedt, qui fait partie de ces officiers bien contents d’une dictature militaire mais pas vraiment du chaos que génère l’appareil d’état nazi. Cette période se termine avec une mise à la retraite temporaire.

Une pause qui ne dure pas bien longtemps, puisque von Rundstedt est rapidement rappelé au service actif pour l’invasion de la Pologne. Il participe ensuite à la campagne de France, avant d’être de Barbarossa sur l’année 1941. Il revient ensuite à l’Ouest en 1942 et y restera quasiment jusqu’à la fin de la guerre, à part un petit interlude pendant l’été 1944, au cours duquel il participe à la purge de l’armée après la tentative d’assassinat contre Hitler. C’est sur ce front qu’il finit capturé en mai 1945.

Comme la plupart des généraux allemands, von Rundstedt a fait l’objet d’un blanchiment post-guerre, visant à amoindrir sa responsabilité dans les crimes du régime nazi. S’il n’a pas l’aura de tacticien légendaire d’un Rommel ou d’un von Manstein, qui l’ont un peu éclipsé avec le temps, il a représenté dès l’époque l’officier général prussien par excellence. Doyen des maréchaux d’Hitler, il sera l’un des principaux généraux allemands connus à l’époque. On trouve même son nom dans le célèbre discours d’André Malraux pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Il représentait donc une figure importante pour créer puis entretenir la légende d’une Wehrmacht propre. L’auteur rappelle bien qu’on a depuis largement défoncé ce mythe et si von Rundstedt n’a effectivement pas été le premier thuriféraire du régime nazi, il ne s’est pas non plus distingué par une opposition franche. Laurent Schang montre que si le général a souvent fait preuve d’une certaine méprise pour Hitler et qu’il a plusieurs fois été en bisbille avec lui, il n’a pas non plus refusé les honneurs et les cadeaux que lui a fait le dictateur. Son obsession du respect des serments a fini par le conduire à participer au jugement des officiers impliqués dans le complot von Stauffenberg.

L’auteur évoque aussi la controverse sur le positionnement des blindés allemands à l’Ouest, von Rundstedt symbolisant l’une des deux opinions sur le sujet, l’autre étant représentée par Rommel. Au-delà de la controverse elle-même, qui occupe encore parfois quelques wargamers ou généraux en chambre, Schang rappelle que si les deux hommes ont eu un contention sur cette question, ils ont par ailleurs entretenu une relation plutôt bonne et même complémentaire.

Comme le dit l’auteur en introduction, von Rundstedt est un officier coincé dans une espèce d’entre-deux mémoriel. Il est trop haut dans la hiérarchie pour s’être attiré la gloire des opérations de terrains, comme ont pu le faire des Rommel, Guderian, von Manstein et compagnie. Mais il est aussi trop bas dans cette même hiérarchie pour ne pas se retrouver dans les postes dirigeant l’ensemble des opérations, au contact permanent d’Hitler, comme ce fut le cas pour les Jodl, Keitel, Halder, etc. Il est donc utile que l’auteur ait décidé de s’y intéresser. Non seulement pour faire le portrait de cet incarnation de l’officier supérieur prussien, mais aussi pour faire une piqure de rappel sur l’implication de cet homme dans les crimes du régime qu’il a servi.

Von Rundsted
de Laurent Schang
éditions Perrin
396 pages dont annexes, notes, bibliographie et index (grand format)

disponible en numérique chez 7switch

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