J’ai déjà abordé le thème des médias dans la SF lors d’une émission précédente. J’ai donc décidé d’orienter cette chronique du côté de la Hard SF. Cette branche de la science-fiction vise à produire des œuvres reposant sur une description réaliste de la science et si ses auteurs poussent parfois relativement loin leurs spéculations, ils partent toujours d’un point de départ correspondant aux connaissances actuelles dans le domaine qu’ils explorent. C’est un genre de SF parfois un peu ardue à lire et souvent écrit par des auteurs à la formation scientifique poussée, quand ils ne sont pas eux-mêmes chercheurs.
– Carl Sagan était un astronome et vulgarisateur de renom. Surtout connu pour la série de vulgarisation Cosmos, il est aussi l’auteur d’un unique roman de science-fiction : Contact. Sagan y traite principalement de la question du premier contact avec une intelligence extraterrestre. Le thème se comprend d’autant mieux lorsqu’on sait que Sagan est l’un des cofondateurs du Seti, organisme qui recherche les traces d’une intelligence extraterrestre. Cela explique probablement la crédibilité qu’affiche le livre sur le sujet. Notons qu’un film (que j’aime beaucoup) du même nom en a été tiré, sous la direction de Robert Zemeckis et avec Jodie Foster dans le rôle principal.
– Dans une émission précédente, j’ai déjà évoqué le roman Les fontaines du paradis, d’Arthur C. Clarke. Ce récit de la construction d’un ascenseur spatial est une assez bonne représentation d’une science-fiction un peu technique tout en étant très abordable pour le lecteur.
– Dans cette précédente émission j’avais naturellement évoqué l’ouvrage jumeau des fontaines du paradis : La toile entre les mondes, de Charles Sheffield. L’auteur y apportait une solution technique différente de celle de Clarke mais tout aussi intéressante. Sheffield a aussi produit un recueil de nouvelles, Les chroniques de McAndrew, où chaque texte propose des idées en terme d’évolution technologique et scientifique. On y trouve ainsi un mode de transport intéressant basé sur une variété particulière de trou noir. Charles Sheffield a conclu cet ouvrage avec une postface détaillant la part de réalité et de spéculation au sein de ces textes. Un complément très appréciable.
– J’ai déjà évoqué Stephen Baxter dans plusieurs émission, c’est un de mes auteurs favoris. Et il a sa place dans cette sélection, en digne héritier de Clarke comme champion britannique d’une hard SF accessible. Je pourrais proposer à peu près n’importe quoi dans sa bibliographie, mais aujourd’hui je souhaite mettre en avant sa trilogie des univers multiples. Temps, Espace et Origine sont trois romans qui mettent en scène les mêmes personnages dans trois univers sensiblement différents. Ces trois ouvrages représentent autant de solutions au paradoxe de Fermi. Les lecteurs anglophones qui souhaitent pousser l’expérience un peu plus loin peuvent aussi se pencher sur le recueil Phase Space, qui propose des solutions supplémentaires et complète cette trilogie.
– De son côté, Greg Egan a une réputation d’accessibilité moindre et il faut avouer qu’ouvrir Diaspora et tomber dans l’annexe sur la définition d’un espace semi-riemannien a de quoi en refroidir plus d’un. Néanmoins, l’auteur propose tout de même des textes plus facilement accessibles, principalement dans ses nouvelles dont les éditions du Bélial ont publié trois recueils : Axiomatique, Radieux et Océanique. Et même dans ces textes plus « simples », Egan reste un des auteurs capables de produire les idées les plus étonnantes de la SF.
– Les éditions du Bélial ont aussi proposé il y a quelques années une traduction du roman Tau Zéro, de Poul Anderson, quarante ans après sa publication en anglais. Auteur prolifique et touchant à plusieurs genres de l’imaginaire, Anderson a écrit au moins un roman de hard SF, dans lequel on suit le périple d’un vaisseau spatial qui ne peut plus s’arrêter. Ses passagers vont ainsi assister à la vie future de notre univers jusqu’à sa possible conclusion.
– Déjà évoqué dans une émission précédente, L’œuf du dragon de Robert Forward a tout à fait sa place dans cette sélection. Forward nous décrit le fonctionnement d’une espèce intelligente vivant à la surface d’une étoile à neutron, et sa rencontre avec l’espèce humaine. Dans ce roman, Forward propose un véritable cours sur la mécanique d’une étoile à neutron, tout en proposant une belle histoire et une bonne dose de ce merveilleux qui met des étoiles dans les yeux des lecteurs de SF.
Je propose aussi un petit détour par la planète rouge, l’une des destinations de prédilection des auteurs de SF.
– L’incontournable sur la question de la colonisation martienne, c’est la trilogie martienne (Mars la rouge, Mars verte et Mars la bleu) de Kim Stanley Robinson. En plus de deux mille pages, l’auteur nous raconte le premier siècle de colonisation de Mars par l’humanité. Et si le récit est évidemment riche et crédible au niveau de la terraformation et des autres questions techniques, c’est aussi un ouvrage qui s’intéresse à de nouveaux modèles politiques, économiques et sociaux. Ici, la hard SF ne s’intéresse pas qu’aux sciences « dures ».
– Plus récent et plus léger, Seul sur mars d’Andy Weir pourrait être qualifié de thriller de SF (c’est d’ailleurs le choix fait par son éditeur français). Mais je pense que cet ouvrage a tout à fait sa place dans cette sélection, car ce récit de naufragé martien est très précis au niveau technique. On voit ainsi le protagoniste principal faire l’état des lieux et réfléchir à la meilleure utilisation possible de son équipement pour espérer survivre jusqu’à la venue d’une possible expédition de secours. L’un des points qui m’a particulièrement plus dans ce roman, c’est une sorte de retour à une sf positive, assez bienvenue tant le futur donne parfois l’impression de n’avoir jamais été si sombre. Et le héros de Seul sur Mars ne surmonte pas ses problèmes juste parce qu’il a un mental d’acier, mais aussi et surtout parce qu’il trouve des idées, qu’il arrive à faire preuve d’ingéniosité et ça fait du bien de lire ce genre de chose de temps à autre.
Cela en étonnera peut-être certains, mais je pense que certains ouvrages de fantasy ont aussi leur place dans cette sélection hard SF.
– K. J. Parker a été une auteur mystérieuse pendant plus d’une décennie, avant qu’on n’apprenne qu’il s’agissait d’un pseudonyme de l’auteur Tom Holt. Sa trilogie Loredan (Les couleurs de l’acier, Le ventre de l’arc et La forge des épreuves) est sans conteste une série de fantasy, mais très réaliste dans sa technique. Ainsi au fil des ouvrages on apprendra tout ce qu’on pourrait avoir envie de savoir sur la forge des épées, la fabrication des arcs ou le façonnage des armures. Parker/Holt parsème aussi ses ouvrages d’une multitude de petits détails qui enrichissent l’univers et rendent bien réellement le quotidien de ses personnages. Le côté technique est doublé d’un regard intéressant sur les mécanismes sociaux et économiques des sociétés décrites. Bref, si un amateur de hard SF veut se lancer dans la fantasy, l’œuvre de K. J. Parker peut constituer une bonne porte d’entrée.
– Brandon Sanderson est un auteur qui écrit beaucoup, une véritable machine, mais qui construit soigneusement ses univers. En particulier les systèmes de magie qu’il propose dans ses différents ouvrages sont bien développés, cohérents et riches. J’y trouve un peu de ce que l’on a dans certains mangas, comme Hunter X Hunter ou Naruto, où l’auteur monte un système de magie/combat/autre avec des règles et cherche ensuite les failles, la meilleure façon de les exploiter. On a un peu cet aspect démontage/compréhension d’un système qui intéresse les amateurs de hard SF. Et puis Sanderson est aussi un bon auteur de high fantasy avec de grands enjeux, un monde à sauver, etc. Bref, je conseille vivement de s’intéresser à sa trilogie Fils-des-Brumes (L’empire ultime, Le puits de l’ascension et Le héros des siècles).
Pour finir, un petit mot sur un manga que j’ai déjà du évoquer par le passé :
– Planètes, de Makoto Yukimura, est un très bon manga parlant de la vie des éboueurs de l’espace. Le soucis que met Yukimura à décrire de façon réaliste la vie en orbite autour de la Terre qualifie aisément l’ouvrage pour cette sélection. Le mélange de sérieux et d’humour, de technique et d’humain en fait une très belle œuvre de SF que je recommande sans réserve. D’autant plus qu’après quelques années d’indisponibilité, la série est à nouveau trouvable en librairie, sous la forme d’une intégrale.