Vu le contexte historique de L’effet Domino, j’ai d’abord pensé à un livre publié il y a une dizaine d’années intitulé Les démons de Paris et écrit par Jean-Philippe Depotte (chez Denoël ou Folio SF). L’ouvrage se passe au début du XXe siècle dans un Paris un peu particulier. La présidente du conseil prépare la venue dans la ville du Tsar Nicolas II, qui compte notamment visiter le tout nouveau métro. Le préfet Lépine s’inquiète de la présence d’une sorte de révolutionnaire russe nommé Lénine. Et au milieu de tout ce monde, on suit un jeune prêtre qui a la particularité de pouvoir dialoguer avec les morts. Le livre est un peu surprenant au premier abord mais agréable à lire et j’en garde un bon souvenir. Au passage, je vous invite aussi à jeter un œil sur la chaîne youtube de Depotte, sur laquelle l’auteur se livre à d’intéressant analyse d’œuvres littéraires.
Je vous propose ensuite La chute de la maison aux flèches d’argent, d’Aliette de Bodard (chez Fleuve Noir). Aliette de Bodard est une auteur française, d’ascendance vietnamienne, née aux États-Unis et publiant en anglais. Elle a déjà fait l’objet d’une première arrivée dans les librairies francophones avec D’obsidienne et de sang, premier volume d’une trilogie de fantasy historique dans l’empire aztèque, chez les défuntes éditions Eclipse. La voila donc de retour chez nous et je suis très content de voir que cet ouvrage ne restera pas inédit dans notre langue. L’action se passe là aussi dans un Paris différent de celui que nous connaissons. Nous sommes dans une sorte de monde post-apo, dans lequel l’apocalypse aurait eu lieu pendant la Belle Époque. Les ruines parsèment la ville et la société s’est réorganisée autour de maisons dirigées par des déchus, anges chassés du paradis. On y suit notamment Philippe, un ex-immortel de l’Annam qui tente de trouver sa place dans cette société où tout le monde le regarde comme un étranger tout en convoitant ses possibles pouvoirs. Ce roman offre un double décalage parce qu’il nous propose un Paris inspiré d’une autre époque additionné d’un côté post-apo. L’un des points d’intérêt est le rapport au colonialisme, sujet important pour l’auteur, qui est inséparable du personnage de Philippe. Je souhaite vraiment que l’ouvrage trouve son public francophone.
J’ai ensuite continuer à dériver vers la fantasy urbaine est le grand roman d’un diptyque de grands auteurs : De bons présages, de Terry Pratchett et Neil Gaiman (chez Au Diable Vauvert ou J’ai Lu). L’apocalypse se rapproche à grands pas, l’antéchrist est né et on le prépare à sa mission. Mais sur Terre, un ange et un démon ne veulent pas que tout cela s’arrête. Ils ont bien trop pris goût à leur existence au sein de l’humanité. Ils décident alors de faire dérailler les plans divins. Mais tout ne va pas être simple, d’autant plus que l’antéchrist a été substitué à la naissance à un autre bébé. L’alchimie entre les deux auteurs fonctionne bien et j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage bourré d’humour.
Restons dans la fantasy urbaine et toujours avec Neil Gaiman et son Neverwhere (chez Au Diable Vauvert et J’ai Lu). Neverwhere est à l’origine une mini-série télé scénarisée par Gaiman et que l’auteur adapta lui-même en roman. On y suit Richard, type tout à fait ordinaire vivant à Londres et qui va croiser Porte, une jeune femme dont il va sauver la vie. Richard se retrouver alors embarquer dans une aventure qui va lui faire découvrir un autre Londres, en dessous de celui que tout le monde connait. Un Londres fantastique, peuplé de personnages haut en couleurs, de merveilles et aussi de dangers. Neverwhere est une vraie redécouverte d’une ville par le fantastique.
Enfin, en parlant de fantastique et de fantasy urbaine, je ne peux pas passer à côté d’un comics, Hellblazer, et de son personnage principal, John Constantine. Créé par Alan Moore dans la série Swamp Thing, John Constantine fait quelques apparitions dans diverses séries avant de gagner son propre titre Hellblazer, qui durera un quart de siècle et trois cents numéros chez Vertigo (le record pour le label). Né à Liverpool, Constantine est une sorte de magicien et n’a rien d’un héros. Il est lâche, il survit et y met le prix, voire sacrifie les autres pour sauver sa peau. Irrévérencieux au possible, il boit, fume, jure. Bref, c’est un sale enfoiré. Et c’est peut-être le personnage de comics que je préfère et j’adore le suivre à travers ses (més)aventures. Constantine est un maître du bluff et de la manipulation, au point qu’on douterait presque parfois qu’il possède le moindre pouvoir. Il en fait pourtant démonstration en quelques occasions, juste ce qu’il faut pour pouvoir rendre crédible ses menaces. Hellblazer se distingue aussi pour deux particularités. D’une part cette série sera principalement scénarisée par des auteurs britanniques, de Jamie Delano à Peter Milligan en passant par Garth Ennis, Warren Ellis et Mike Carey nombreux sont les grands noms du comics a avoir travaillé sur Hellblazer. L’autre particularité est que la série colle à son époque et que les personnages vieillissent pendant les vingt-cinq ans que dure le c,omics et à travers les péripéties fantastiques de John Constantine, c’est un pan de l’histoire britannique que l’on suit, de l’ère Thatcher aux débuts de l’ère Cameron. La lecture en anglais apporte aussi le délice des argots britanniques, dont on entend carrément les accents à la lecture du comics. John Constantine connaîtra ensuite quelques autres titres, de qualité assez variables. Le lecteur francophone pourra profiter chez Urban Comics de quelques uns des runs de la série, organisés par auteurs. Les anglophones profiteront de la réédition intégrale en cours chez Vertigo qui en est à son seizième volume.