J’ai déjà évoqué le jeu dans l’imaginaire lors de la mission 58, consacrée principalement à Kickstarter. Je me propose donc de remettre en avant trois œuvres déjà présentées à cette occasion, avant de vous en proposer d’autres.
Tout d’abord, L’homme des jeux, l’un des premiers volumes du cycle de La Culture de l’écossais Iain M. Banks. On y fait la découverte d’un empire interstellaire dont toute la société repose sur le jeu. Le roman nous propose de suivre la découverte de cet empire par le biais d’un membre de la Culture qui la visite. Banks propose donc quantité de jeux différents dans cet ouvrage.
Ensuite, la novella True Names dans laquelle Vernor Vinge présente un monde virtuel dans lequel s’affronte des joueurs qui s’incarnent sous la forme de sorciers. Et comme parfois dans les représentations de la magie, connaître le vrai nom des choses et des gens permet d’avoir du pouvoir sur eux. Ce qui peut s’appliquer aussi à un monde virtuel. Si je n’ai toujours pas eu l’occasion de lire ce texte, je contiens bien y arriver un jour. D’une part parce que j’aime bien ce que fait Vinge. D’autre part parce qu’il s’agit d’un texte fondateur du cyberpunk (trois ans avant la parution de Neuromancien).
Enfin, Poker d’âmes de Tim Powers. Dans ce roman on découvre de nombreuses variantes du célèbre jeu de cartes. Comme c’est du Tim Powers il y a aussi des éléments fantastiques et l’on voit fréquemment des joueurs s’appuyer sur des indicateurs (motifs de fumée, horizontalité du liquide dans un verre d’alcool, etc.) pour repérer les moments où la réalité se gauchit.
Il existe bien évidemment une passerelle entre jeu et littérature, passerelle qui fonctionne à double sens. Dans un sens on peut trouver des livres dérivés de jeux vidéos. Il peut s’agir soit d’adaptation de la trame du jeu vidéo, soit d’intrigues complémentaires à celles du jeu (avant, pendant ou après). J’ai ainsi pris un peu de plaisir à lire les trois premiers romans dans l’univers Mass Effect, écrits par Drew Karpyshyn.
Cette passerelle fonctionne évidemment dans l’autre sens et quantité de livres ont donné lieu à des adaptations ludiques. Sans parler de jeux vidéos, j’ai évoqué la version jeu de plateau de Dune, dont le peu que j’ai pu voir au cours d’une partie me semblait retranscrire assez bien divers éléments de l’univers créé par Frank Herbert.
J’ai aussi eu l’occasion de jouer à la version jeu de plateau du Trône de Fer, tirée de l’œuvre de George R. R. Martin. La mécanique de ce jeu fait que les renversements de situation sont fréquents et parfois impressionnants. J’ai ainsi remporté une partie au dernier tour alors qu’au tour précédent j’étais au fond du gouffre.
Le jeu peut parfois prendre des formes extrêmes. C’est ce que propose Robert Sheckley dans sa nouvelle Le prix du danger (J’ai Lu). Dans ce texte on découvre un jeu télévisé dans lequel un candidat doit survivre pendant une semaine avec des tueurs de la mafia aux trousses. Les spectateurs qui le croisent peuvent jouer les bons samaritains ou au contraire prévenir ses poursuivants. Sheckley anticipait assez bien la dérive de la téléréalité, alors que cette dernière n’existait pas encore lorsque cette nouvelle est parue… en 1958. Ce texte a fait l’objet d’une adaptation cinématographique française, sous la direction d’Yves Boisset en 1983 avec une distribution assez alléchante et une fin différente du texte et assez intéressante.
L’univers du Disque-Monde créé par feu Terry Pratchett fourmille de détails de toute sorte. Le jeu n’y échappe pas et on trouve en particulier un jeu de cartes nommé Monsieur l’oignon l’andouille, auquel Nounou Ogg semble particulièrement forte. Pratchett n’explique pas les règles du jeu mais des lecteurs se sont chargés d’en inventer et une version officielle a fini par être approuvée par l’auteur. Pour ceux qui sont intéressés par Terry Pratchett et son œuvre, je vous invite à aller écouter le podcast Hommage collatéral qui lui consacre une double numéro.
Le milieu de l’imaginaire littéraire a une certaine proximité avec celui du jeu de rôle et les passerelles sont assez nombreuses entre les deux. Ainsi les éditions Mnémos ont été fondées à partir des éditions Multisim, spécialisée dans le jeu de rôle, en partie pour éditer des romans liés aux univers de jdr de la maison mère.
On a aussi le cas des auteurs qui se sont inspirés de leurs parties de jeu de rôle pour écrire leurs livres. Ainsi, Raymond E. Feist a créé l’univers de Midkemia pour des besoins rôlistiques avant de s’en servir comme support pour sa série des Chroniques de Krondor. Le duo Steven Erikson & Ian C. Esslemont a créé tout un univers de jeu de rôle et ce n’est qu’après des années de jeu dans cet univers qu’ils ont fini par se lancer dans l’écriture de romans dans cet univers. Enfin, on pourra citer George R. R. Martin qui dirigea des parties de jeu de rôle avant de s’en inspirer pour diriger la série d’anthologie Wild Cards, où l’on trouve parmi les différents auteurs quelques uns des joueurs du groupe dirigé par Martin.