Ce numéro de l’ATG étant celui de la rentrée, j’en profite pour faire un peu le tour de quelques lectures plaisantes de ces derniers mois.
Tout d’abord la trilogie Les enfants de Poséidon, d’Alastair Reynolds (éditions Bragelonne/Milady). L’auteur nous propose un space-opera étalé sur plusieurs siècles dans un futur où l’Afrique et l’Asie ont dominé le monde. La Terre bleue de nos souvenirs démarre avec le décès de la matriarche de la famille Akinya. Deux de ses petits-enfants s’engagent alors dans une sorte de jeu de piste, à la recherche d’un héritage particulier. Un ou deux siècles séparent cet ouvrage de Sous le vent d’acier et le même intervalle de temps se répète avant Dans le sillage de Poséidon. Ainsi on suit différentes générations de cette famille, même si les traitements médicaux ont permis de prolonger fortement l’existence humaine. Reynolds parle de la colonisation spatiale mais surtout d’une famille et des chemins d’évolution future pour l’humanité mais aussi pour les autres espèces. On trouve dans cette série un ton plus positif et lumineux que dans son univers des Inhibiteurs où la traversée des espaces sombres et glacés entre les étoiles tend à rendre fou. J’ai lu les trois volumes de cette trilogie dans l’année (chose rare chez moi) et je suis content de voir que l’auteur est toujours aussi bon.
Passons ensuite à un peu de fantasy urbaine avec la série Le dernier apprenti sorcier, de Ben Aaronovitch (éditions J’ai Lu). Commençant avec Les rivières de Londres, cette série suit Peter Grant un policier londonien qui va découvrir que la magie existe réellement et que la métropole abrite aussi divers créatures fantastiques. On sent que cette série est britannique, tout comme celle de la Laverie de Charles Stross ou les Thursday Next de Jasper Fforde : la bureaucratie ne se fait jamais oublier, les procédures sont omniprésentes et les commissions aux acronymes improbables plus nombreuses que les étoiles dans le ciel. L’une des choses que j’apprécie particulièrement chez Peter Grant, c’est son côté expérimentateur. Il est un homme de son temps et essaie d’utiliser les outils modernes pour comprendre la magie, ses règles et ses limites. J’ai récemment lu le cinquième volume de la série, Les disparues de Rushpool, où pour la première fois Peter Grant part enquêter dans la campagne anglaise et découvre que le monde fantastique y est tout aussi présent que dans sa métropole.
Depuis quelques temps, j’ai sensiblement augmenté ma dose de relecture. Ainsi, ces derniers mois je suis revenu sur les trois premiers volumes de la série Fondation (éditions Folio SF). Le grand classique d’Isaac Asimov fut l’une des étapes marquantes de mon parcours de lecteur de SF. Et un quart de siècle plus tard, ça se relit très bien. Il y a quelques défauts, que le filtre de la nostalgie me permet de pardonner facilement, mais il y a surtout de vraies qualités. Plus de soixante-dix ans après leur première publication, Fondation, Fondation et Empire et Seconde Fondation sont des livres qui se lisent toujours très bien et n’ont pas forcément perdu de leur actualité.
Parlons maintenant un peu de fantasy avec l’un des auteurs que j’apprécie beaucoup ces dernières années : Mark Lawrence. Auteur de deux trilogies qui partagent un même univers, l’Empire brisée et La Reine Rouge, le britannique s’est lancé dans une nouvelle série, cette fois dans un nouvel univers. Sœur écarlate est le premier volume du Livre des anciens (éditions Bragelonne). On y suit Nona, huit ou neuf ans et condamnée à mort. La jeune femme est sauvée par une prêtresse qui l’intègre comme nouvelle élève dans un monastère. Lawrence modifie certaines de ses habitudes par rapport à ses séries précédentes et ça fonctionne tout aussi bien, voire mieux. Je trouve en particulier qu’il a su retranscrire avec une certaine justesse les relations entre enfants dans un cadre scolaire. J’attends le volume suivant avec envie.
J’ai au relu le premier roman de David Brin, Jusqu’au cœur du Soleil (éditions Milady), qui est aussi le premier de ses ouvrages dans l’univers de l’Élévation. Le livre me plait toujours et peut-être même plus que la première fois. S’il a certains défauts, entre autres quelques problèmes d’équilibrage dans l’intrigue, il est en revanche très intéressant d’y retrouver plusieurs thématiques que Brin va continuer à utiliser dans toute son œuvre. En fait, je trouve que relire le/les premiers textes d’un auteur après avoir lu la majeure partie de son œuvre peut-être très intéressant. Ici, je constate que Brin avait dès le début pas mal d’idées sous le coude et qu’il tenait beaucoup à en parler.
J’ai déjà parlé à plusieurs reprises de Space Brothers, manga écrit et dessiné par Chûya Koyama (éditions Pika). La série continue son petit bonhomme de chemin et a franchi cette année la barre du vingtième volume traduit en français. Je guette l’arrivée de chaque nouveau volume et c’est toujours un plaisir de retrouver les frères Hibito et d’assister à leur parcours d’astronautes. Cette série maintient un bon niveau et j’espère qu’elle se poursuivra encore un moment.
Du côté de la bande-dessinée franco-belge, je me suis penché sur l’univers de Valérian et Laureline. Il y a quelques années, un premier album Valérian par… a été réalisé par Manu Larcenet. Cette fois, c’est Wilfrid Lupano qui s’y colle pour l’écriture et Mathieu Lauffray pour les dessins. Cela donne Shingouzlooz Inc. (éditions Dargaud), une aventure dans laquelle Laureline et Valérian sont à la poursuite de Zi-Pon, un androïde abritant deux serveurs servant de paradis fiscaux. On va croisé quelques têtes connus comme les Shingouz ou M. Albert. Je trouve que Lupano a très bien repris ce qui fait l’essence des personnages tout en les accommodant à sa sauce personnelle. On croise des thèmes d’actualité, dont les paradis fiscaux, tout en retrouvant des Shingouz gaffeurs, une Laureline au caractère toujours bien trempé et un Valérian qui trime comme un malheureux dans la cale pour réparer les moteurs d’un vaisseau pourri pendant que l’univers menace de s’effondrer. J’ai beaucoup ri et tout ça est servi par les dessins magnifiques de Lauffray. C’est vraiment beau à voir et j’espère que quelques artistes auront encore l’occasion de manipuler cet univers le temps d’un album.
Enfin, j’ai évoqué Bagdad la magnifique et un grand vizir (un mètre cinquante en babouche) qui veut devenir calife à la place du calife. J’ai relu une bonne partie de la série Iznogoud (éditions Dargaud/Tabary) cette année et j’ai pris beaucoup de plaisir à retrouvé la création de René Goscinny (pour le scénario) et de Jean Tabary (pour les dessins). On est en plein dans l’imaginaire avec ce monde peuplé de magiciens, de tapis volants, de sirènes et autres génies coincés dans des lampes. Les jeux de mots fusent de partout, parfois au désespoir de personnages qui d’ailleurs brisent régulièrement le quatrième mur. Cette série a aussi un petit côté Bip Bip et le Coyote : on sait toujours dès le début que le nouveau plan génial d’Iznogoud va lamentablement foiré, le plaisir c’est de voir comment. Dilat Laraht, son fidèle homme de main, le dit lui même régulièrement et propose de laisser tomber tout de suite.
Je rajoute enfin un petit mot sur le troisième hors-série de la revue Guerres & Histoire qui est consacré à l’uchronie. A travers une vingtaine d’articles, on propose diverses uchronies militaires et quelques réflexions sur le sujet, par le prisme de l’historien. Il est ainsi intéressant de voir l’utilité de l’uchronie dans le cadre du travail de l’historien.