N’ayant pas d’idée de thématique particulière pour cette émission, j’ai recyclé un peu les trucs que j’avais lu et dont je n’avais pas encore parlé.
J’ai commencé avec un peu de fantasy et La marque du corbeau, premier roman d’Ed McDonald. Un roman qui plonge dans un monde en guerre, avec un personnage qui a pas mal bourlingué et qui est assez désabusé. J’ai trouvé ça assez sympathique et j’ai apprécié l’univers de gunpowder/flintlock fantasy (terminologie chère aux amateurs de taxonomie littéraire). Ça m’a aussi beaucoup fait penser à La Compagnie Noire de Glen Cook : ça semble assez sombre, notamment la magie, c’est raconté à la première personne, il y a un praticien tellement balèze qu’il semble quasi-divin, comme le Dominateur ou la Dame, etc.) En plus ça n’est pas très long et et ça se lit bien (et c’est un premier volume de trilogie).
Il a ensuite été question de SF, avec Planetfall d’Emma Newman. Là aussi, il s’agit d’un premier volume de série mais qui me semble lisible sans continuer. C’est à la première personne et on suit la vie d’une expédition sur un autre monde. Ces gens semblent en attente d’une sorte de révélation divine et le personnage principal sent bien qu’il y a comme un mensonge derrière tout ça. Doublé du fait qu’elle-même semble mentir à tout le monde sur un autre sujet. C’est assez intimiste, on voit bien la narratrice sombrer face à ses mensonges (notamment avec des crises de panique) et je trouve que l’autrice retranscrit très bien tout ça.
Après, j’ai parlé un peu d’Alastair Reynolds et de Revenger (Vengeresse en VF), premier volume d’une trilogie de space-opera. On y suit deux sœurs qui décident de fuir leur père et de partir à l’aventure dans l’espace. Le tout dans un futur lointain où notre système solaire ne semble plus composé de huit planètes principales mais d’une myriade de petits mondes donc certains sont les ruines de civilisations précédentes. Soit autant d’endroit où chercher des vestiges du passé faisant office de trésor. Il y a donc un petit côté L’île au trésor dans l’espace et ça marche plutôt bien. L’univers est détaillé, il y a une vraie profondeur au passé et j’ai trouvé que c’était facilement accessible pour du Reynolds.
Ensuite, j’ai évoqué Children of Time (Dans la toile du temps en VF) d’Adrian Tchaikovsky. Un roman dans lequel l’humanité colonise l’espace mais où il faut trouver des solutions pour attendre qu’une planète se terraforme. On suit une expérience où une colonie de singes est balancé sur un monde, accompagnée d’un virus qui doit déclencher chez eux une élévation. Le tout dans le but de leur faire construire un monde qui sera ensuite prêt à accueillir les humains. Et qu’est-ce qui pourrait foirer dans un plan si bien ordonné ? C’est ce que montre Tchaikovsky en suivant une piste surprenante. On suit alors deux récits, celui d’un groupe d’humains qui se prépare à aller vers la planète en question et celui de l’espèce qui évolue et la colonise. Du côté humain, on a l’histoire classique du vaisseau générationnel avec ses problèmes habituels. De l’autre côté, on voit l’évolution en action, l’apparition de différents concepts, la conscience, la religion, la transmission de la connaissance, etc. Tout ça m’a évidemment rappelé le cycle de l’Élévation de David Brin, mais aussi Au tréfonds du ciel de Vernor Vinge et Évolution de Stephen Baxter. Bref, c’est très bien.
J’ai alors entamé une petite sélection de bandes-dessinées. En commençant par Dans la combi de Thomas Pesquet, de Marion Montaigne (l’autrice de la géniale série Tu mourras moins bête). Dans ce volume, elle détaille tout le parcours accompli par Pesquet pour devenir spationaute, de la sélection à la mission elle-même, en passant par la longue préparation. Comme toujours avec Montaigne, c’est plein de petites touches d’humour et en même temps bourré de détails intéressants. Très instructif pour toutes celles et tous ceux qui rêvent de l’espace.
J’ai bien sûr parlé de ce qui a l’époque était le dernier volume en date de la série Notes du génialissime Boulet. Un recueil qui contient toujours une quantité de choses improbables et qui me parle très bien. En partant toujours de choses anecdotiques, il parvient à produire des choses intéressantes, souvent en suivant simplement le fil de sa pensée. On a donc droit aux clichés débiles du ciné, comme l’interlocuteur mystérieux dans un parking souterrain, une rationalisation sur les fantômes (leurs vêtements sont-ils morts aussi pour qu’ils les portent ?) ou encore une réflexion sur le papier à bulle (que ce passerait-il si un génie du mal inventait le papier à bulle increvable ?) Bref, plein de choses qui amusent tout en interpellant un peu les lecteurices.
Du côté manga, il a été question de Les vacances de Jésus & Bouddha d’Ikaru Nakamura. Une chronique de deux colocataires à Tokyo, qui sont rien de moins que les figures emblématiques de deux religions. On découvre donc un Jésus compulsif dans ses achats et qui tient un blog sur les séries télé et un Bouddha qui essaie en permanence de maitriser leur budget tout en évitant de sombre dans la mortification permanente. Entourés d’une proprio et de voisins qui ne comprennent jamais vraiment qui sont ces deux olibrius. C’est plein d’humour, une ambiance un peu reposante et c’est aussi très bien documenté sur les mythologies chrétienne et bouddhique, ce qui permet aussi d’apprendre pas mal de choses.
J’ai bien sûr parlé aussi de comics. D’abord avec I hate fairyland, de Scottie Young. Gertrude est une petite fille dont le vœu se réalise : elle va au pays des fées. Et comme beaucoup de vœux c’est finalement une malédiction : tout enfant qui arrive au pays des fées a une quête à accomplir pour retourner dans son monde. Et Gertrude est particulièrement nulle. Ce qui fait qu’on la retrouve vingt ans plus tard, toujours coincée dans le monde des fées et dans son corps de gamine, alors qu’elle est devenue une femme aigrie, désabusée et qu’elle massacre tout ce qui la contrarie. C’est donc là un comics particulièrement trash et dégueu qu’il faudra éviter de mettre entre les mains des enfants, car c’est vraiment graphique avec des tripes et yeux qui volent. Young parvient quand même à donner une intrigue à tout ça et à la faire évoluer, tout en parsemant son comics de détails savoureux.
Enfin, j’ai fait un focus sur Jeff Lemire, un scénariste et dessinateur de comics canadien particulièrement prolifique ces dernières années (et encore plus depuis la diffusion de cet épisode). Auteur d’abord en indé, il a fini par signer dans les deux grandes maisons que sont Marvel & DC, avant de revenir vers l’indé, etc.
Tout d’abord, j’ai évoqué Descender, un space-opera écrit par Lemire et dessiné par le brillant Dustin Nguyen. On y retrouve l’humanité en fédération avec d’autres espèces, dans un univers qui a connu une attaque de robots une dizaine d’années auparavant. La plupart des servants mécaniques ont donc été exterminé en réaction. On suit alors le parcours de Tim 21, un robot conçu pour accompagner un enfant et qui a été abandonné sur un monde minier. C’est très beau et touchant.
Ensuite, Black Hammer. Cette fois il s’agit d’un monde de super-héros, dont les premiers volumes sont dessinés par Dean Ormston. Il s’agit d’un univers créé par Lemire à une époque où il pensait qu’il ne travaillerait jamais chez les deux grands éditeurs du genre. Après son passage chez ces éditeurs, il a fini par exploiter cet univers, en commençant par suivre un groupe de super-héros coincés dans une ferme perdue : ils semblent naufragés dans un monde qui n’est pas le leur. On retrouve beaucoup d’inspiration venant de personnages connus, réinterprétés à la sauce Lemire. Depuis, l’auteur a considérablement élargi son univers et il semble loin d’en avoir fini avec.
Enfin, Royal City, une petite série en trois volumes que Lemire écrit mais dessine aussi, avec son style si particulier. On y suit un auteur qui après un premier succès ne parvient pas à écrire son livre suivant. Il revient alors dans la petite ville déclinante d’où il vient. On fait la connaissance de sa famille, du frère qui s’est suicidé et dont le fantôme le hante, du père qui perd la boule, de la sœur devenue agente immobilier. On voit l’usine locale en train de mourir, etc. C’est touchant avec une belle plongée dans les personnages, leur passé, leurs rêves et là où la vie les a amené.