Le dernier ouvrage de Paul Jorion permet de parler de l’extinction de l’espèce humaine ou de son évolution future, thème sur lequel la SF a produit quelques ouvrages intéressants. J’ai ensuite élargi la sélection en dérivant vers le post-apocalyptique et l’effondrement de la civilisation.
– Commençons avec un roman d’un auteur que j’aime beaucoup, La captive du temps perdu, de Vernor Vinge (trouvable au Livre de poche). L’humanité disparait quelque part au cours du 24e siècle, peut-être sous l’effet d’une singularité. Quelques centaines de survivants, préservés dans des bulles de stase, se regroupent à plusieurs millions d’années dans le futur. Cette communauté s’est organisée en fonction du niveau technologique de chacun, ceux qui sont rentrés en state le plus près de la disparition de l’humanité étant ceux avec le plus haut niveau technologique. C’est dans ce contexte qu’une sorte de meurtre a lieu et qu’une enquête commence.
– Passons ensuite à l’un de mes auteurs favoris : Stephen Baxter. S’il est un thème central à son œuvre, c’est celui de l’évolution. A tel point que l’auteur a même écrit un livre portant précisément ce titre. Évolution commence sur une apocalypse puisque l’on y voit la fin des dinosaures. Baxter nous conte ensuite l’évolution qui va mener de petits mammifères jusqu’à l’être humain, mais il ne s’arrête pas là puisqu’il se lance dans la dernière partie sur une extrapolation du devenir de l’homme, en temps qu’espèce. On trouve aussi dans sa bibliographie un diptyque apocalyptique, Déluge & Arche, où l’on voit comment la société se délite et se transforme sous l’effet d’une montée ininterrompue des eaux. Ce qui transforme entre autres l’altitude en facteur d’échelle sociale. Enfin, Baxter a co-écrit avec Terry Pratchett une série de cinq romans, débutant par La longue Terre, où les deux auteurs explorent l’idée des mondes parallèles. On voit comment la possibilité d’accéder à un nombre quasi-infini de Terre vides d’humains change profondément la civilisation humaine, avec toutes les possibilités offertes par ce phénomène et tous les problèmes qu’ils représentent : possibilité de fuir la société pour les marginaux, revendications territoriales des états sur leurs territoires parallèles, etc.
– Un autre auteur que j’aime beaucoup et donc je parle régulièrement : Arthur C. Clarke. On trouve dans son œuvre deux ouvrages avec un certain rapport aux thèmes que j’évoquais en préambule. D’un côté, La cité et les astres nous présente un futur lointain, dans un milliard d’années, où ce qui reste de l’humanité est concentré en une dernière cité sur Terre, des humains immortels qui n’osent plus sortir de l’enceinte qui les isole du reste du monde. De l’autre côté, Les enfants d’Icare parle de l’évolution de l’humanité vers le stade suivant et de ce que la prise de conscience de ce phénomène peut entrainer comme conséquence, le tout mixé avec d’autres thèmes dont celui du premier contact, cher à l’auteur.
– Parmi les classiques présentant une humanité qui ne domine pas/plus son environnement, on peut aussi citer La planète des singes, de Pierre Boulle. Des humains voyageant à travers l’espace découvrent un monde sur lequel l’humanité est une espèce dominée par des grands singes intelligents. Un classique qui a donné lieu à diverses adaptations cinématographiques qui réarrangent certains éléments de façon différente.
Dérivons maintenant un peu vers le post-apo et éventuellement ce qui le précède naturellement, le récit catastrophe.
– Commençons par un classique français, Malevil de Robert Merle. On y suit l’histoire d’une petite communauté d’individus au fin fond de la France qui tentent de survivre après une explosion probablement nucléaire. On va y retrouver tous les éléments classiques, la reconstruction d’une structure sociale, la recherche de moyens de subsistance, les inquiétudes sur la survie de l’espèce, les tensions avec autres survivants, etc. Le roman a fait l’objet d’une adaptation cinématographique au début des années 1980.
– Du côté de Stephen King, on trouvera une version épidémique de l’apocalypse dans Le fléau, l’un des romans les plus épais de l’auteur. On va là aussi retrouver les mêmes problèmes de survivance, doublés d’un aspect religieux assez prononcé, notamment à travers l’opposition entre les deux principaux groupes de survivants.
– David Brin a écrit aussi son roman post-apo, Le facteur. Il y exploite une idée intéressante, qui lui donne son titre. Le protagoniste du récit se fait passer, un peu par accident, pour un facteur. On va ainsi découvrir le besoin de lien et de communication qu’éprouvent les communautés ayant survécu à l’apocalypse. On y retrouve évidemment les problèmes classiques de ce type d’environnement, notamment les tentations de domination que certains tentent d’assouvir en pliant les autres à leur volonté. J’ai aussi par le passé évoqué le dernier roman en date de l’auteur, Existence, qui pourrait finalement peut-être arriver en français. L’idée de l’extinction de l’espèce y apparaissait aussi, dans le cadre d’une réflexion sur le paradoxe de Fermi.
– Passons maintenant à un classique du genre, Un cantique pour Leibowitz, de Walter M. Miller. Ce roman nous plonge dans un futur situé quelques siècles après une apocalypse nucléaire. A travers trois époques, séparées de plusieurs centaines d’années, on suit la vie d’une communauté religieuse dont la mission consiste à préserver des textes sacrés. Ces derniers sont des schémas techniques datant d’avant l’effondrement. Un très beau livre, qui ne vend pas beaucoup d’optimisme puisque l’on voit que si l’humanité se relève c’est peut-être pour retomber de plus belle.
– Changeons de continent avec Métro 2033 de Dmitri Glukhovsky. L’apocalypse nucléaire est passée par là et des moscovites ont survécu dans le métro de la ville, conçu pour pouvoir abriter des gens en tel cas. Une nouvelle société s’est formée, les lignes et les stations se sont regroupées en faction, se sont spécialisées, etc. Et dans ce monde en vase clos où l’on sent la présence de choses dans les ténèbres des tunnels, le jeune Artiom part à l’aventure et quitte la station où il a passé toute son enfance. Un roman qui a fait l’objet d’une adaptation en jeu vidéo.
– Sur le thème du dernier homme et un peu dans l’idée de l’évolution de l’espèce, on peut lire le très bon Je suis une légende, de Richard Matheson. Ouvrage classique du genre, ce roman raconte la vie de Robert Neville, peut-être le dernier survivant d’une pandémie qui a transformé l’humanité en une sorte de vampire. Retranché dans sa maison la nuit pour résister aux assauts des créatures, Neville parcourt le voisinage le jour pour essayer de les éliminer. Avec l’espoir de trouver peut-être un jour une cure, ou la trace d’un autre être humain non transformé. J’ai dévoré ce roman d’une traite, le temps d’un après-midi, et la plume de Matheson était très efficace. L’ouvrage a connu plusieurs adaptations, dont une avec Charlton Heston mais aussi la plus récente avec Will Smith. Au vue du résumé de cette dernière, il semble que la fin du film soit quasiment l’antithèse de celle du roman et change radicalement le sens du titre. Sans trop de surprise, je préfère la version de Matheson.
– Les amateurs de textes courts pourront se pencher sur Mémo pour action, une nouvelle de Jean-Claude Dunyach dans son recueil Dix jours sans voir la mer. Ou comment les dinosaures voient arriver la comète qui va les éliminer et de rapports en comités et de réunions en mémos se préparent à agir pour contrer la menace. Ou pas. Un texte court et drôle.
– J’évoque rapidement Le grand livre de Connie Willis, dont j’ai déjà parlé dans une émission précédente. Une partie du récit se passant à l’époque de la Peste Noire, on voit comment l’épidémie dépeuple petit à petit une communauté, sans laisser le moindre espoir aux survivants de moins en moins nombreux. Pour ces derniers, c’est véritablement la fin de toutes choses.
– Parmi les ouvrages très récompensés ces dernières années, on trouve La fille automate, de Paolo Bacigalupi. Un livre où l’on découvre un futur non pas post apocalyptique mais post civilisation du pétrole, dans lequel la Thaïlande a construit son capital sur la réserve génétique de semences. On y voit notamment comment l’activité industrielle a évolué en se tournant vers la force animale avec des mammouth ressuscités par la génétique et vers les ressorts.
– Enfin, j’ai parlé à nouveau de Anamnèse de Lady Star, de L. L. Kloetzer. Un roman dans lequel on expérimente l’avant et l’après Satori, un événement bouleversant suffisamment l’humanité et la civilisation pour marquer clairement une séparation. L’ouvrage forme une sorte de portrait en creux d’une femme étrange, dont la nature humaine est incertaine, par le biais de différents témoignages. Un ouvrage un peu exigeant à lire, mais une expérience rare et intéressante.
Concluons avec quelques titres que je n’ai pas lu mais qui m’ont été conseillés par ma copine.
– Station Eleven, d’Emily St. John Mandel. Ce roman raconte l’histoire d’une famille avant, pendant et après une pandémie qui fait s’effondrer la civilisation. Un récit qui alterne les trois époques et où l’on croise le théâtre shakespearien et un comics jamais publié intitulé Station Eleven. L’ouvrage a été récompensé par le prix Arthur C. Clarke et sera publié en français dans quelques mois.
– Le passeur, de Lois Lowry. Jonas vit dans une société qui ne connaît plus de guerre ou de misère, mais plus d’émotions non plus et ne perçoit plus les couleurs. Un seul membre de la communauté est détenteur de la mémoire et soumis aux émotions. Jonas a douze ans et va vivre la cérémonie qui va déterminer sa fonction future. Un roman qui fait déjà figure de classique pour la jeunesse.
– Roche-nuée de Gary Kilworth. Roche-nuée est un petit atoll perdu au milieu d’un désert de sel hébergeant deux sociétés humaines dont l’un des points communs est de jeter du haut de la falaise les enfants jugés anormaux. Pourtant le narrateur est un de ses indésirés qui a survécu grâce à un caprice du destin. Ce roman étrange dont on ne sait pas trop s’il relève du post-apo ou pas a eu la chance de connaître une réédition l’année dernière par la librairie Scylla (en papier ou en numérique).