Voilà un ouvrage à propos duquel son éditeur communique depuis des semaines, annonçant Le Livre de l’Année. Le nom du vent, premier volume de la Chronique du tueur de roi, étant précédé d’un bon buzz outre-Atlantique je n’ai guère tardé à m’occuper du roman de Patrick Rothfuss.
Frankia, de Jean-Luc Marcastel
Faire se croiser la fantasy et la deuxième guerre mondiale, en voilà une drôle d’idée. C’est le pari que tente Jean-Luc Marcastel avec la trilogie Frankia dont je viens de finir le premier volume.
Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes
Dans la catégorie « Il n’est jamais trop tard pour lire les classiques » je me suis dernièrement occupé du roman de Daniel Keyes. A l’origine Des fleurs pour Algernon était une nouvelle, publiée en 1959, que Keyes prolongea en roman en 1966. Récompensé sous chacune de ces formes ce récit s’est depuis mué en un classique du genre qu’il est toujours bon de lire.
Le principal protagoniste du récit se nomme Charlie Gordon. Il est handicapé mental et va subir une opération dont le but est de développer son intelligence. Le récit est la somme des comptes rendus qu’il écrit avant puis après l’opération et dans lesquels il relate son existence au quotidien et les changements qui se font sentir, jour après jour.
Algernon est la souris qui a précédé Charlie dans cette expérimentation et à laquelle il va s’attacher profondément. Au fur et à mesure de l’évolution de l’intellect de Charlie on assiste à des résurgences de son passé, de nombreux souvenirs qu’il avait enfui et qui expliqueront en partie les difficultés auxquelles il fait fasse sur certains plans pendant la majeure partie de l’histoire.
Des fleurs pour Algernon pose des questions délicates. L’intelligence va bouleverser totalement la vie de Charlie Gordon, affectant sa personnalité, changeant radicalement son rapport à autrui et à lui-même. D’un être trop simple pour être malheureux il devient un individu trop conscient pour être heureux. Et puis il y a l’angoisse. Celle que ce changement ne soit que temporaire et que Charlie replonge à terme dans son état d’origine. L’intelligence et la conscience sont-elles des bénédictions ou des fardeaux ? Et quel regard avons-nous sur les handicapés mentaux ? Faut-il vouloir la normalité à tout prix ?
Des fleurs pour Algernon est l’un de ces romans de la SF qui pourrait être lu aisément par tous et qui pousse son lecteur à réfléchir sur son rapport à autrui. Un demi-siècle après son écriture le récit n’a pas pris une ride et je le conseille vivement à tous.
Des fleurs pour Algernon (Flowers for Algernon)
de Daniel Keyes
traduit par Georges H. Gallet
illustration de Eikasia
éditions J’ai Lu
éditions J’ai Lu
256 pages (format poche)
Vous aussi lisez un très bon livre de SF : Des fleurs pour Algernon
Douze, de Jasper Kent
Un roman fantastique se passant pendant la campagne de Russie. Il n’en fallut pas plus à l’amateur d’histoire militaire que je suis pour m’intéresser à Douze de Jasper Kent.
La base de l’intrigue est relativement simple. Débordés par la Grande Armée de Napoléon qui s’approche inexorablement de Moscou quelques soldats russes, qui ont pour spécialité de s’occuper des opérations du type espionnage et sabotage, font appel à un groupe de mercenaires venant de Valachie. Ces derniers vont se révéler d’une efficacité peu commune pour ce qui est d’étriper son prochain. Mais cette particularité va rapidement attirer la curiosité puis l’inquiétude des soldats qui les ont engagés.
Jaz Parks s’en mord les doigts, de Jennifer Rardin
On continue avec la bit-lit. Aujourd’hui c’est au tour du premier volume des aventures de Jaz Parks, sous la plume de Jennifer Rardin.
Cette fois la narratrice et héroïne ne semble pas être une créature fantastique, du moins au premier abord. Jaz, Jasmine pour la version formelle, travaille pour la CIA en tant qu’assassin, ni plus ni moins, avec une prédilection pour l’élimination des êtres surnaturels. Et une tendance à semer plus de dégâts que l’ouragan Katrina derrière elle.
Double étoile, de Robert Heinlein
Robert Heinlein fut l’un des pionners de l’age d’or de la SF américaine (ou plus exactement anglophone). Avec Isaac Asimov et Arthur C. Clarke il fut un temps considéré comme l’un des trois grands auteurs dominant le genre. Comme ses deux co-religionnaires il a souvent manifesté un intérêt très poussé pour les diverses sciences et une volonté de produire des récits emprunts d’un minimum de crédibilité sur le plan technique.
Des trois grands c’est celui que j’ai découvert le dernier et de manière un peu tardive dans mon exploration du panorama de la SF. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire et j’ai entrepris depuis quelques temps de combler mes lacunes concernant Heinlein.
Double étoile est un roman des années 50, une période où l’on envisageait encore très joyeusement la conquête du système solaire pour les décennies à venir avec des vols long-courrier pour les lunes de Jupiter, des colonies sur Mars et Vénus, des bases sur la Lune à ne plus savoir quoi en faire, etc. C’était aussi un temps où la majorité des romans ne dépassaient pas deux ou trois cents pages ce qui repose agréablement le lecteur après les huit cents pages d’un Au tréfonds du ciel de Vernor Vinge ou bien des trois mille de L’aube de la Nuit de Peter F. Hamilton.
Double étoile n’a pas en soit une intrigue particulièrement originale. Le narrateur, acteur de théâtre et de télévision, se voit confier un rôle inédit : celui de doubler une personnalité politique de premier plan malheureusement enlevée par des ravisseurs qui n’ont pas rendu public leur forfait. On assiste donc à la préparation du personnage à son rôle puis à toutes les petites péripéties qui émaillent ce genre de récit, voyant peu à peu le narrateur se fondre de mieux en mieux dans le personnage qu’il interprète et sa prestation se prolonger au fil des rebondissements.
Ce qui est très intéressant chez Heinlein c’est qu’il se contente rarement de l’aspect sciences dures de la SF. Il n’hésite pas à explorer aussi les implications politiques ou sociologiques soulevées par ses récits. Dans le cas présent il y a moins de grains à moudre dans ce domaine que dans le très bon Révolte sur la Lune (lecture vivement conseillée) mais Heinlein sait manier sa barque avec efficacité.
Si Double étoile est loin d’être l’un de ses meilleurs récits il constitue néanmoins un honnête reste de cet âge d’or qui fit beaucoup pour la SF et qui se lit encore aujourd’hui avec un certain plaisir, pour peu qu’on arrive à garder à l’esprit l’époque où il fut écrit.
Double étoile (Double star)
de Robert Heinlein
traduit par Michel Chrestien, révision de Julie Pujos
illustration de Chris Alan Wilton
collection Folio SF
éditions Gallimard
304 pages (poche)
Vision aveugle, de Peter Watts
Ce mois-ci Fleuve noir, par le biais de la collection Rendez-vous ailleurs, nous offre un peu de hard-science avec Vision aveugle de Peter Watts.
Canadien d’origine et formé à la biologie des mammifères marins, Peter Watts s’est d’abord illustré avec Rifters, une trilogie de SF consacrée aux grands fonds marins. Pour les anglophones notons qu’il est partisan de la licence Creative Commons et que la plupart de ses écrits sont disponibles directement sur son site.
L’esclave, de Carol Berg
« Quand y en a plus, y en a encore ». Encore une trilogie, celle des livres des Rai-Kirah de Carol Berg dont le premier volume L’esclave est sorti le mois dernier.
Seyonne est esclave depuis seize ans. Son peuple a été envahi puis asservi par l’empire Derzhi et celui qui était l’un de leurs gardiens chargés de combattre les démons et les chasser des gens qu’ils possèdent n’est plus maintenant qu’un simple esclave sans pouvoir, passant de propriétaire en propriétaire. Mais la vie de Seyonne va connaître un brusque changement lorsqu’il entre au service d’Aleksander, prince héritier de l’empire. Ce dernier ne faisant que peu confiance à ses scribes décide de se doter d’un esclave apte à lire et écrire, lui-même ayant décidé de ne pas s’abaisser à ce genre de tâche. Seyonne, narrateur du récit, va vite découvrir l’habitude de son nouveau maître à régler nombre de problèmes par des méthodes qui tendent à les faire empirer.
Tout le récit est vu par l’intermédiaire de Seyonne avec sa vision du monde particulière. Il a tenté de se déshumaniser lui-même, s’interdisant l’espoir qui ne peut être que source de déconvenue et de douleur pour un esclave. Mais certaines habitudes ont la vie dure et son nouveau maître ne va pas faire grand chose pour atténuer les envies de liberté qui petit à petit renaissent chez l’ancien chasseur de démons. Les choses vont se compliquer légèrement lorsque Seyonne va prendre conscience qu’Aleksander est l’homme qu’une prophétie lui promettait comme maître à servir dans sa lutte contre les démons. Autant dire que le pauvre esclave ne part pas favori.
L’un des attraits du livre est clairement le personnage d’Aleksander. Fils d’empereur appelé à succéder un jour à son père à la tête de la nation, mais sacrément dépourvu du tact nécessaire à l’accomplissement sans douleur de ce genre de travail. On assiste ainsi à quelques belles bévues qui créent parfois des ennuis en cascade. Mais Aleksander, au-delà de son côté borné, est aussi un homme de parole empreint d’une certaine droiture morale. Le genre à savoir reconnaître et payer ses dettes.
L’univers développé par Carol Berg contient quelques éléments assez sympathiques, notamment tous le système pour affronter les démons que je trouvais pas mal du tout. Par contre je dois avouer m’interroger sur certaines des décisions de l’empereur vis à vis des Khélid en début de récit. Il me semble s’embourber un peu facilement, mais l’on peut toujours mettre ça sur le compte du point de vue forcément limité de Seyonne. Ce dernier n’ayant pas accès à toutes les données, loin s’en faut, il ne peut que deviner certaines choses sans certitude de donner dans le vrai.
J’avoue que sur la fin y a un ou deux détails qui m’ont un peu agacé mais dans l’ensemble le livre se termine correctement, se laissant les ouvertures nécessaires pour la suite de la trilogie tout en clôturant suffisamment de fils narratifs pour permettre de s’arrêter là.
La couverture, à l’illustration sympathique, possède un gaufrage sur le titre, dans le plus pur style des éditions d’outre-Atlantique qui tend à se répandre tout doucement par chez nous. L’ensemble se lit tranquillement et la suite trouvera sans soucis le chemin de ma pile « à lire ». Bref une lecture agréable pour occuper son week-end de printemps.
L’esclave – Les livres de Rai-Kirah 1 (Transformation)
de Carol Berg
traduit par Elisabeth Vonarburg
illustration de Jean-Sébastien Rossbach (grand format) Bruno Wagner (poche)
éditions Bragelonne (grand format) Folio SF (poche)
480 pages (grand format) 624 pages (poche)
Pour les curieux l’éditeur propose les premières pages du livre sur son blog
Le grand défi, de David Brin
Me voila enfin arrivé à la fin de cette seconde trilogie de l’Elévation de David Brin. Contrairement aux deux précédents romans Le grand défi fut publié en France en un seul volume, sous-titré Rédemption 5.
La voleuse sans ombre, d’Emily Gee
Aujourd’hui une petite fantasy un peu atypique. Voici La voleuse sans ombre d’Emily Gee, roman indépendant et donc non pourvu d’une suite en quinze volumes. De plus l’ouvrage n’est pas trop épais ce qui en fait un interlude fort bienvenu.
La voleuse sans ombre c’est Melke, une jeune femme qui a la propriété singulière de pouvoir devenir invisible. Pouvoir qu’elle partage d’ailleurs avec son frère Hantje, lequel est prisonnier de salamandres, amenant donc Melke à voler pour payer la rançon. Et tout n’irait pas si mal si le collier que lui réclame les salamandres ne se révélait pas après coup comme l’élément indispensable à la levée d’une malédiction mortelle.
Ici, point de grande quête pour sauver le monde des ténèbres, pas de grand voyage à travers de multiples pays, nulle liste de personnages tenant difficilement dans un annuaire, fort peu de magie et pas tellement d’action. « La voleuse sans ombre » ressemble plutôt à une sorte de drame familial mâtiné de huis-clos. La majeure partie de l’histoire a lieu dans la même ferme mettant en scène quatre humains et un chien c’est dire si on sort un peu des sentiers battu du genre.
En fin de compte l’intrigue du bouquin n’est pas très longue ni particulièrement tortueuse mais l’évolution des personnages, qui est au premier plan, est assez intéressante. La plume de Gee rend le texte plaisant à lire et ça a le grand avantage de ne pas appeler de suite.
La voleuse sans ombre d’Emily Gee
traduit par Benjamin Kuntzer
illustration de Larry Rostant
éditions Bragelonne
402 pages
traduit par Benjamin Kuntzer
illustration de Larry Rostant
éditions Bragelonne
402 pages
Disponible en numérique chez 7switch